Chapitre 5

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LUKE

La chambre est d'une telle classe que je n'ose même pas ranger mes vêtements dans le placard colossal. Je ne me sens pas à ma place dans cet environnement aisé. Pourtant, j'aurais dû deviner, au vu du salaire, que mes employeurs étaient riches. La pièce doit faire deux fois la taille de mon ancien appartement. Un petit salon, composé d'un sofa et d'une table basse, se situe à droite de la porte. En face, le lit en baldaquin est immense, et recouvert d'une couette si épaisse que je m'imagine déjà y passer de merveilleuses nuits. L'armoire en bois sombre est posée à côté d'un secrétaire ancien, mais charmant. Je m'avance vers la fenêtre composée de vitraux de couleurs, et admire le jardin. Malgré la tombée de la nuit, j'aperçois des petits lampions disséminés le long d'un chemin menant directement vers un lac, et la forêt derrière celui-ci.

Cette baraque est dingue, pensé-je, ne réalisant toujours pas que je vais vivre ici.

Tania est sympathique, elle m'a brièvement expliqué mon rôle, qui consiste à m'occuper de Séléné. Je dois veiller à ce que ses paramètres physiques se maintiennent et préserver son état psychologique, puisqu'elle semble particulièrement fébrile en ce moment.

Je suis cependant étonné de ne pas avoir rencontré ses parents, après tout ce sont eux qui m'ont embauché. Peut-être les verrai-je au repas. D'ailleurs il me tarde de retrouver ma patiente pour apprendre à la connaître. Tout à l'heure, sa beauté m'a perturbé, je ne m'attendais pas à une femme si jeune, si belle. Je me suis fourvoyé. Mais je ne dois pas penser à ça, elle n'est pas une inconnue rencontrée dans un bar. Elle est ma patiente.

Je soupire, face au chemin que prennent mes pensées. Pendant mes études, je n'ai pas eu l'envie de coucher avec une femme. Puis, après l'obtention du diplôme, tout s'est précipité et je n'ai pas eu le temps d'y penser. Aujourd'hui, je commence à regretter de ne pas m'être déchargé de toute cette tension avant de prendre le poste. Si je mate aussi ouvertement Séléné, c'est sûrement parce que je suis en manque de contact humain. La solitude est mon amie depuis si longtemps que la rencontre avec cette jeune femme perturbe mes sens.

Je dois me réfréner, et dès que j'aurais l'occasion, j'irai peut-être faire un tour en ville, histoire de passer un bon moment. J'en ai soudainement besoin. Bordel, cela faisait trois ans que je n'avais pas pensé avec ma queue. Il a fallu qu'elle se réveille au pire moment. Je sens déjà que ce travail va être éreintant.

Je passe mes mains sur le visage, fatigué avant même le début du contrat.

Allez, Luke, calme-toi, me dis-je.

J'inspire profondément pour me recentrer, et sors de la chambre pour rejoindre la salle à manger. D'après les indications de Tania, je dois prendre le couloir de gauche et descendre jusqu'au hall d'entrée, avant de bifurquer, là aussi vers la droite. Cette maison est un vrai labyrinthe.

Arrivé en bas des marches, je regrette de ne pas avoir pris un sweat, il fait froid dans ce lieu. J'ai laissé ma veste sur le porte-manteau de la chambre. Tant pis. Je ne remonte pas, je vais me perdre sinon.

Je respecte les indications de la domestique et arrive dans une grande pièce, éclairée par un lustre majestueux. La table rectangulaire prend une place considérable, et je remarque une seule personne déjà installée : Séléné.

— Monsieur Luke, prenez place, je vous en prie, entends-je sur ma gauche.

Tania est arrivée à pas de loups, ou alors trop concentré sur la jeune femme à table, je n'ai pas fait attention. Elle m'indique une chaise à l'opposé de ma patiente. Je m'y installe prestement, toujours mal à l'aise. Pourquoi suis-je le seul à dîner avec Séléné ? Ses parents ne sont pas là ? Et Tania ne mange pas ?

Lune de sangWhere stories live. Discover now