Chapitre 18

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LUKE

Des heures que j'attends la remorqueuse. L'inconvénient de vivre en plein cœur des montagnes. Le garage du coin est fermé pour congés, alors j'ai dû contacter une autre société de dépannage qui était débordée. Apparemment, il y a eu un carambolage du côté de Denver et ils avaient besoin de renfort pour ôter les carcasses de la route.

Elisa m'a proposé un café lorsque j'ai demandé à emprunter le téléphone de la boutique. Je suis donc resté auprès d'elle, puis j'ai fini par rejoindre le véhicule. J'avais besoin d'être seul. J'ai raté l'heure du repas depuis une heure, et je me demande si Séléné est déjà en plein sommeil, ou si elle s'inquiète de mon absence.

Et voilà, je recommence.

Mes pensées reviennent toujours à elle. Je ne suis vraiment pas doué pour endiguer mon affection envers ma patiente. Ce soir, ça fait un mois que je suis arrivé au manoir. Et je reçois une menace comme présent, si ce n'est pas beau ça.

Pendant ces heures d'attente, j'ai pu longuement réfléchir sur la raison qui pousse un parfait inconnu à vouloir ma mort. Résultat, même en retournant le problème dans tous les sens, je n'arrive pas à déterminer ni les motivations ni l'identité de la personne. Est-ce que ma venue au manoir des Jasper dérange ? Pourquoi ? Je ne suis qu'un employé qui essaye désespérément de rendre la vie facile à sa patiente.

Et tu aimerais aussi bien plus, me crie ma conscience.

Je lui intime de la fermer. Ce n'est pas le moment.

Je suis convaincu qu'un mal rôde dans ce domaine, et que ma présence doit ternir ses plans démoniaques. Séléné est-elle en danger ?

Je suis interrompu par le bruit d'un véhicule qui s'approche, j'ouvre la porte du conducteur pour accueillir mon sauveur du jour.

— B'soir, vous êtes M'sieur Amstrall ?

— Oui, c'est bien moi.

Le type avance sa dépanneuse en faisant en sorte que l'arrière soit bien placé pour tracter ma voiture. Il siffle, cigarette au bec, et commence le remorquage après avoir relié l'attelage à la chaîne. L'opération ne dure que quelques minutes. Il m'invite à embarquer dans son camion.

— Je vous débarque à quel endroit ?

— A quelques kilomètres d'ici, je vous indique la route.

D'un hochement de tête, il démarre, sa cigarette presque entièrement consommée toujours au bord des lèvres.

Mon conducteur roule vite à travers le paysage escarpé, et j'admire la pleine lune par la vitre.

Alors c'est pour ce soir, si je me réfère au mot laissé sur le pare-brise. La main dans la poche, je serre le bout de papier chiffonné dans mon poing.

La haute grille du manoir apparaît dans mon champ de vision, et je demande à mon chauffeur de me déposer ici.

— Sacrée baraque !

Je ne réponds pas.

— V'là ma carte avec les contacts du garage, appelez-moi demain pour les réparations. En attendant, je la remorque dans notre établissement. Bonne soirée, M'sieur.

— A vous aussi, et merci.

— Pas de quoi.

Une fois descendu du véhicule, je le regarde s'éloigner avant de continuer le chemin à pied. Sur le qui-vive, je scrute les alentours, m'attendant à découvrir un possible agresseur, mais il n'y a rien d'anormal dans l'obscurité des bois bordant les lieux. En arrivant devant la maison familiale, je relève les yeux vers la fenêtre de Séléné, pas de lumière. Elle doit déjà dormir, j'espère que ses rêves sont agréables.

Lune de sangWhere stories live. Discover now