Chapitre 34

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SÉLÉNÉ

J'ai finalement réussi à me relever, je m'avance vers la rosace, pour tenter d'apercevoir la lune qui fait sa timide ce soir. Je sens que mon heure est venue. Après le cœur arraché, j'ai l'impression que mon crâne va pulvériser la matière grise dans toute la pièce tellement les palpitations sont puissantes.

Je n'ai pas le temps de pousser mes réflexions plus loin que la porte s'ouvre brutalement.

— Je savais que tu n'avais pas fui. Ce n'est pas ton style.

Je me retourne et découvre Hector, le pistolet toujours à la main. Je me colle à la fenêtre, essayant de me fondre en elle. Peine perdue. Est-ce que Luke est en vie ?

À peine la question m'a effleuré l'esprit que j'aperçois sa silhouette juste derrière Hector.

Il est vivant.

Le puissant soulagement qui envahit mon être m'oblige à baisser la tête pour dissimuler un sourire.

Maintenant, Séléné, il faut que tu occupes Hector pour ne pas qu'il surprenne ce qu'il se trame derrière lui.

Luke m'intime d'un doigt sur la bouche de continuer à me taire. Alors, comme aux échecs, je bluffe.

— Comment as-tu su que je serais là ? demandé-je d'une voix peu sûre.

— Oh, ma douce. Je te connais par cœur, tu as oublié ? Je ne suis pas tombé dans ton malheureux piège. Tu sais que je suis plus intelligent que ça.

Non, je n'en ai aucune idée, car j'ignorais ton existence.

J'acquiesce de la tête, et croise les bras sur ma poitrine pour tenter de me ressaisir. Je souhaite le convaincre que je m'intéresse à lui.

— Alors, hum, je te plais ?

— Bien sûr. Depuis que je t'ai admiré dormir, je ne fais que penser à toi.

Je me force à ne pas lui montrer ma réaction, pourtant je suis abasourdie par ses propos. Je n'avais donc pas imaginé cette présence dans ma chambre lorsque j'avais la grippe. Il était là, à me parler, à m'observer comme un foutu pervers. Un frisson d'effroi me fait tressauter. Qui sait ce qu'il a pu voir d'autre ?

Plus la conversation avance, plus je sens la panique se réveiller. Cet homme a tué sa propre mère, il est capable de tout. Plongée dans mes pensées, je discerne tardivement son rapprochement. Hector est maintenant juste en face de moi, à peine quelques centimètres nous séparent et aucune échappatoire n'est possible. Je ferme mes yeux, incapable d'affronter son regard. Son souffle fait voler les quelques mèches qui barrent mon visage. Je plisse les paupières plus fort et me prépare à l'agression de ses lèvres.

Sauf que rien ne se passe.

J'entends un grognement, puis sa présence s'éloigne. J'ouvre les yeux pour découvrir Luke en pleine lutte avec Hector. Je me décale loin de la fenêtre dans le but d'aider mon infirmier, mais leurs coups sont trop rapides, je n'arrive pas à déterminer une seule ouverture. Soudain, Luke est jeté contre le piano qui émet des notes dissolues, la masse d'Hector lève son bras et s'apprête à tirer. C'est le moment que choisit mon corps pour réagir, je m'élance sur lui, agrippant ses cheveux longs, et ploie sa tête en arrière. Son corps suit le mouvement pour soulager la douleur de son cuir chevelu, et il tire vers le plafond. La détonation me fait sursauter et je lâche prise. Je sens dans la seconde, un bras me pousser sur le côté et Luke se met à rugir. J'ai à peine le temps de tourner la tête que je vois Luke projeter violemment Hector vers les vitraux. L'élan est tel que son corps brise la rosace, le son d'une balle quittant le barillet me parvient et la dernière chose que j'aperçois est son visage terrifié, avant de le voir disparaître par la fenêtre.

Lune de sangWhere stories live. Discover now