Chapitre 23

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SÉLÉNÉ

Je me promène sur les rives du lac, j'entends leurs rires, et une sensation agréable envahit mon cœur. J'aime les voir si heureux.

Un éclair frappe la surface du lac, le grondement qui en résulte me vrille les tympans, puis le sang se déverse sur le sol, à mes pieds, sur moi.

« Qu'as-tu fait ? »

Le cauchemar violent me réveille, et je suis étouffée par une chaleur intense.

J'ai très chaud.

Je tente de me retourner sur le dos, mais quelque chose me bloque. Un bras est autour de ma taille. Sous ma chemise.

J'ai très très chaud.

J'émerge doucement et constate que c'est la main de Luke qui est posée sur ma peau. Je remue pour me libérer et me fige. Je sens comme une bosse contre mes fesses, et il ne me faut que quelques secondes pour définir ce que c'est.

Mon mouvement le fait gémir, et il resserre sa prise sur moi, son souffle dans mon cou. Une sensation inédite explose dans mon corps. Je crois que c'est le bonheur. C'est doux, comme une couverture duveteuse qui me recouvre. J'ai envie de rester dans ses bras éternellement. Je ferme à nouveau les yeux pour prolonger ce moment de bien-être quand un baiser vient effleurer ma nuque.

— Bonjour petite lune, murmure-t-il à mon oreille d'une voix rauque.

Ce surnom alimente mon cœur d'un nouveau sentiment. De l'amour ? Je ne pousse pas plus loin mes réflexions puisque Luke s'éloigne de moi.

Cependant, toujours dans le lit à mes côtés, il commence à me raconter les événements de la veille. C'est vrai qu'il avait esquivé mes questions hier soir. Je l'écoute donc religieusement me parler de ses soupçons envers Tania et Simon. Plus il se confie, plus je sens un élan de tristesse m'éteindre. Je n'ai plus de doute sur la culpabilité du couple, mais cela ne m'empêche pas d'être peinée par la vérité. Ils ont toujours été présents pour moi, et découvrir leur fourberie me chagrine énormément.

Lorsque Luke termine ses aveux, je prends une grande inspiration et me lance à mon tour dans les révélations.

— Je pense que mes parents sont morts, lâché-je, hâtivement.

Le corps de Luke se crispe et il se tourne pour me regarder, le coude relevé et sa tête reposant dans la main.

— En as-tu la certitude ?

— J'ai jeté un œil à nos comptes en banque en pensant y déceler des malversations, mais je n'ai trouvé que le vide, y compris dans les débits de mes parents. Ils n'ont pas effectué de règlement depuis longtemps, en fait le dernier date du jour de leur prétendu départ. Et je n'arrête pas de repenser à l'alliance de ma mère. Luke, je crains que mes parents ne soient jamais sortis du manoir et qu'ils reposent dans cette cave, terminé-je les yeux mouillés par les larmes que je n'ai pas senties poindre.

Il me prend dans ses bras, et souffle un « désolé » dans mes cheveux.

Les gouttes salées coulent, silencieuses, à l'image de mon cœur qui s'est brisé dans un calme inquiétant. Luke ne me contredit pas, il a dû arriver à la même conclusion.

Mes parents ont cessé d'exister. Je ne les reverrai plus jamais.

Je n'ai même pas pu leur dire adieu.

Cette dernière pensée remonte le long de mon corps, comme un fil qui se tend, pour finalement atteindre la partie consciente de mon cerveau. Soudain, je tremble, non pas de froid, mais de colère. Une rage sourde qui ne demande qu'à s'exprimer.

Lune de sangWhere stories live. Discover now