Chapitre 7

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LUKE

Séléné est un mystère. Et j'ai très envie de le résoudre. Elle est à la fois femme et enfant, c'est déstabilisant. Parfois, elle s'émerveille d'un rien et une seconde plus tard, elle devient froide, telle la statue qui surplombe la fontaine du domaine. Qui êtes-vous Séléné ?

Après m'avoir fait visiter la demeure, où je n'ai retenu que la moitié des informations et de la disposition des pièces, elle m'a emmenée dans son antre : la bibliothèque. Tania m'avait déjà parlé de sa passion pour la lecture. Une chose que nous avons en commun. Mais là où je m'évertue à lire des thrillers, Séléné se gave de romances. Nous ne pourrions pas être plus différents. Elle ne connaît pas la réalité de la vie, et moi, je ne sais que trop ce que c'est. Pourquoi je pense à ça ? Ce n'est pas comme si elle était une hypothétique prétendante, c'est ma patiente.

Un travail.

Rien de plus.

Pourtant je ne peux empêcher mes yeux de traîner sur son corps délicieux. Sa jupe découvre de longues jambes laiteuses, et à travers son chemisier je devine ses seins menus. Elle me donne envie de sexe, et ça, ce n'est pas acceptable. Je me concentre sur ses pieds qu'elle s'évertue à laisser nus. Même eux, je les trouve adorables.

Bordel, je suis foutu.

Il faut que je me ressaisisse. Je suis arrivé hier, et je suis déjà en train de fantasmer sur la seule femme qui m'est interdite. Qu'est-ce qui m'arrive, bon sang ?

Le manque de sexe. Oui, c'est ça. Il faut que je me décharge de cette frustration avant de faire une connerie.

Je continue à suivre ma patiente, tout au long de la journée. Nous déjeunons ensemble, dans la salle à manger, puis elle m'indique la salle de musique située au second étage. Lorsque j'entre dans la pièce, je suis ébahi par la démesure de l'endroit. À droite, un canapé d'un autre siècle préside des lieux, au sol, un tapis représentant la Voie lactée s'étend sur une bonne partie de la salle. Ce qui est encore plus impressionnant, c'est la rosace composée de vitraux qui recouvre une partie du mur. Je suis toujours surpris par ce choix d'ouverture pour une telle demeure. L'entièreté des fenêtres est des vitraux, mais ici, c'est d'autant plus sensationnel. Le verre coloré reflète la lumière de l'extérieur en la parant de mille nuances. Dans le fond de la pièce, je repère même une scène dans les tons clairs. Bien sûr, la salle de musique ne porterait pas son nom s'il n'y avait pas d'instrument. Un piano à queue est installé en plein milieu, et un violoncelle – qui a connu des jours meilleurs – est posé contre l'un des murs.

Séléné se dirige vers le piano et s'y installe.

— Vous jouez d'un instrument, Luke ?

Je ricane.

Je n'ai jamais été doué pour les arts. Dessin, musique. Ce n'est pas mon truc. J'étais plutôt passionné par les femmes.

Et la cocaïne, me rappelle ma conscience. Oui, comment l'oublier ?

— Non, je ne suis pas un virtuose de la musique, réponds-je alors qu'elle me tourne le dos.

Ses mains délicates dansent sur les touches de l'instrument, entamant une mélodie inconnue. Le classique n'a jamais été mon genre de prédilection. D'habitude, je préfère largement un bon son de rock agressif. Mais je n'ai jamais assisté au concert d'une musicienne avec une si belle prestance. Je la laisse jouer, admirant ses doigts légers appuyer sur les rectangles blanc et noirs, tel un papillon qui se pose délicatement sur une fleur. Les yeux fermés, elle se laisse submerger par la musique, et moi je la contemple, subjugué par la puissance qui se dégage d'elle. Comme si la mélodie la transportait ailleurs. À cet instant, elle n'a pas besoin de soleil, elle rayonne même sans la lueur chaude de l'astre.

Lune de sangWhere stories live. Discover now