Chapitre 6

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SÉLÉNÉ

Il est beau.

J'admire le nouvel employé déambuler dans le jardin, en plein jour. Je caresse du regard ses mains qui effleurent une rose, je contemple son physique attrayant. De grande taille, le corps musclé, les épaules carrées, la mâchoire abrupte et un visage marqué par la vie. Ses cheveux châtains aux miroitements roux me rappellent l'automne, mais ce qui a retenu mon attention, ce sont ses yeux lorsque je l'ai croisé hier soir. Un bleu nuit, aussi enveloppant que Nyx lorsqu'elle fait tomber le soir, ici. Une couleur sombre, qui reflète la même peine que moi : l'abandon d'êtres aimés.

Qui a-t-il perdu ? Ses parents ? Un frère ? Une petite amie ?

Je me mords la lèvre inférieure, continuant de le mater sans vergogne à travers la vitre anti-UV de ma chambre.

Qui-es-tu Luke Amstrall ? Mon sauveur ? Mon persécuteur ? Celui qui me comblera de bonheur ou celui qui provoquera ma perte ?

Je suis curieuse.

Pendant le dîner, hier soir, je me suis sentie presque angoissée par sa présence. Luke dégage quelque chose de sauvage, de brut. Il m'étouffe de son aura, et j'aime ça. Il y a quelque chose chez lui qui attise ma curiosité, et m'intrigue. C'est fou, parce que je ne le connais même pas. Et puis, ses paroles m'ont froissée.

Une enfant de la lune.

Je n'aime pas cette appellation. Même si j'en suis une. Déjà que mes parents m'ont prénommé Séléné, la déesse de la lune, si ce n'est pas l'ironie du sort, ça. J'aime cet astre, enfin, j'ai appris à l'apprécier. Mais le terme qu'il a donné est tellement réducteur. Comme si nous ne vivions que la nuit. C'est faux. Bien sûr, je me sens plus à l'aise dans le royaume obscur des étoiles, mais la plupart du temps, je dors à cette heure-là. Il m'arrive d'avoir quelques insomnies, et de veiller tard, mais mon rythme de vie est le même que tout à chacun. Je me réveille chaque matin, petit-déjeune, prends ma douche, et vaque à mes occupations tout le long de la journée. Le seul hic, c'est que j'évite les fenêtres malgré les filtres anti-UV, et je reste enfermée dans le manoir jusqu'à la tombée de la nuit.

Une vie de prisonnière, certes, mais une vie quand même. Parfois, je me compare à Raiponce, enfermée dans sa tour jusqu'à ce qu'un prince vienne la libérer. Alors je n'ai pas la chevelure de cette princesse ni le donjon, mais c'est tout comme. Sauf que le prince qui vient me libérer a plus l'allure du diable tentateur que celle d'un gentilhomme. Et ça me plaît d'autant plus.

Est-ce que Luke sera mon prince ? Sera-t-il celui qui me libérera de mes chaînes, me fera goûter à la vie, à l'amour ?

Je divague.

On frappe à la porte.

— Oui, entrez.

Tania me rejoint, face à la fenêtre. J'en profite pour jeter un œil à son physique. Mon intendante est une femme bien conservée, elle est plus jeune que son mari, quelques années de moins. Une peau au teint olivâtre, un corps voluptueux, et des yeux verts presque translucides. Oui, elle pourrait plaire à n'importe quel homme.

— Mademoiselle Séléné, vous ne devriez pas rester devant la vitre, il y a toujours un risque, vous le savez.

Oui, je le sais pertinemment, mais j'avais besoin de contempler l'extérieur, de me gaver de cette vision enchanteresse du soleil, et de l'homme qui parcourt encore le jardin.

— Vous avez pris vos médicaments ?

— Oui, Tania, réponds-je en continuant de lorgner Luke.

Je me mords la lèvre, résistant à une sensation qui me dévore le ventre.

Lune de sangOnde histórias criam vida. Descubra agora