Lune de sang

Chapitre 32

SÉLÉNÉ

Je ne comprends pas.

Tout se bouscule dans mon esprit.

J'ai mal, atrocement mal. Dans le cœur, dans la tête.

J'ouvre les yeux et découvre Tania, allongée, totalement inerte.

Qu'est-ce que j'ai fait ? Est-ce moi qui... ? Je ne me souviens pas.

Seule la douleur des corps de mes parents me revient, mes larmes, mes paroles envers Tania, et ma fuite.

Comment suis-je arrivée ici ?

— Putain !

Je relève la tête pour apercevoir Luke sur le pas de la porte, ses prunelles fixées sur Tania.

Un flash me revient.

« Nous devrions l'éloigner d'ici. Il est trop dangereux pour Séléné »

C'est la voix de mon père.

Un autre flash fait son apparition et je commence à comprendre que ce sont des réminiscences de mon passé.

« Josh, je suis désolée. C'est moi qui ai insisté pour l'accueillir, si j'avais su que... »

Cette fois-ci, c'est ma mère.

La seconde d'après, je me prends de plein fouet le souvenir.

Je venais de sortir de ma chambre, nous étions encore l'après-midi et je me sentais enfin mieux après avoir été alitée pendant des semaines, j'avais d'ailleurs une fringale de tous les diables. En me dirigeant vers la salle à manger, j'ai laissé mon oreille traîner devant le bureau de mon père, et j'ai surpris cette conversation étrange qui n'avait aucun sens pour moi. Il y a eu ce craquement derrière moi, et j'ai eu l'intime conviction que quelqu'un m'observait depuis l'angle du mur, j'ai pris peur et je suis allée me réfugier dans la salle à manger. Tania était là, et elle a aussitôt prévenu la cuisine pour préparer un encas.

Je reviens dans le présent, et le son de la balle sortant du barillet il y a quelques secondes me vrille encore les tympans.

D'une main tremblante, je me tiens la tête, prête à exploser. La migraine s'intensifie d'un cran, je suis à deux doigts de défaillir.

— Séléné, s'il te plaît, viens vers moi, entends-je de la part de Luke.

Je lève le regard vers lui malgré la douleur et initie un mouvement avant d'être interrompue.

— Ne l'écoute pas, ma douce.

Ce timbre de voix me rappelle le murmure dans les bois, je tourne la tête vers elle, et ce que j'y découvre relance la céphalée.

Un jeune homme à la chevelure longue et brune me contemple. Dans ses iris clairs, j'y décèle la démence à l'état pur. Une barbe broussailleuse dissimule une partie de son visage. Il est petit, mais sa carrure trapue lui offre une allure inquiétante.

— Qui es-tu ? crié-je à l'intention de cet inconnu avant de réaliser ce qu'il tient dans la main.

L'arme de mon père, qu'il pointe vers Luke. La panique s'insuffle aussitôt en moi.

— Non, je...

Je perds mes mots. Je ne saisis pas ce qu'il m'arrive. Luke, les paumes levées devant sa poitrine me supplie du regard de le rejoindre sauf que je suis dans l'incapacité de bouger le moindre orteil, comme si j'étais bloquée par les événements qui se déroulent ici.

— TANIA ! NON !

Ce sont les cris de Simon qui vient de débarquer dans la pièce. Il se précipite aux côtés de sa femme. Et je constate seulement maintenant que mon intendante ne bouge plus, un liquide écarlate s'échappe de sa tête.