Lune de sang

Chapitre 12

LUKE

Qu'est-ce qu'il me prend ? Je suis en plein délire. Surtout après les mots durs de Tania qui m'a littéralement accusé de draguer ma patiente – je ne peux pas la blâmer cela dit – je continue de jouer au con.

J'aurais pu changer d'avis, et ne pas exécuter mon plan. Surtout après avoir assisté à la scène d'hier soir, dans la bibliothèque. J'étais si mal que je n'ai pas réussi à affronter le regard de Séléné ce matin. Pourtant, je lui ai quand même offert ce stupide ciré. Parce que je ne voulais faire marche arrière. Je suis un mauvais garçon, et j'irai en enfer. De toute façon, je l'ai déjà été alors un séjour de moins ou de plus, qu'est-ce que cela change ?

Tu t'exposes à un possible licenciement, abruti, me crie ma conscience.

Ne dit-on pas que le risque en vaut la chandelle ? Et Séléné a désespérément besoin de sortir de ce quotidien aseptisé.

Alors malgré les menaces de renvoi de Tania, malgré la partie intelligente de mon cerveau qui me prévient que c'est une mauvaise idée, je suis devant sa chambre en plein milieu de la nuit.

Je crois que la séance de musique m'a embrouillé encore plus l'esprit. J'étais si bien, si relax cet après-midi. C'est la première fois que je ressens ce calme en moi, et je n'arrive pas à déterminer si cela est dû à Séléné ou à la musique. Peut-être même les deux. Pendant qu'elle jouait, j'admirais son profil, son assiduité, sa force et sa délicatesse. De ses doigts. En elle.

Merde, reconcentre-toi Luke !

Je vérifie une dernière fois chaque côté du couloir puis m'insère discrètement dans la pièce. Malgré l'obscurité, j'arrive à décerner sa silhouette dans le lit, grâce notamment à la lune qui perce au travers des nuages. La forme de son corps se dessine aussitôt dans mon esprit, et je m'imagine glisser sous les draps pour toucher sa peau de porcelaine, frôler sa carnation de mes lèvres. Je me fous une baffe mentale pour repousser ces images.

Je m'avance, et shoote dans un objet au sol qui produit un bruit grave, je m'insulte d'être aussi maladroit.

Séléné sursaute et j'ai juste le temps de voir son air paniqué que je saute sur elle pour qu'elle évite d'ameuter toute la maison. Même si personne n'est présent techniquement la nuit, je ne serais pas étonnée de voir débarquer la vigie alias Tania. Je suis sûr qu'elle erre les coins sombres de cette baraque pour surveiller Séléné.

— C'est moi, Séléné. C'est Luke.

Je retire la main de ses lèvres et elle se tourne vers moi.

— Que faites-vous ici, Luke ? Il y a un problème ? me demande-t-elle, paniquée.

Je la rassure dans la seconde.

— Tout va bien. Ne vous inquiétez pas. Où avez-vous mis mon cadeau ?

Elle fronce les sourcils d'incompréhension.

— Je... Pourquoi vous... ?

Je la coupe.

— Où est-il ? Nous ne pouvons pas perdre de temps. Je ne sais pas si Tania est encore dans le coin, et si elle découvre que je suis dans votre chambre, on retrouvera mon corps sur un des piquets du portail.

Séléné ne répond pas, mais me montre d'un doigt la commande située en face du lit. Je m'y précipite, sort le vêtement du sac, et lui tends.

— Je suis perdue, là, que voulez-vous que je fasse ?

— Vous ne m'aviez pas dit que vous vouliez découvrir la ville ?

Les yeux ronds, elle me dévisage, puis un sourire éclatant vient illuminer son visage.