Chapitre 2 ✔️

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M A L E K


          — Monsieur, vous m'entendez ?

J'ouvris les yeux. La vue et l'ouïe s'engouffrèrent de nouveau dans mon âme. On m'avait parlé.

— Ouais ! Ouais, bien sûr que je t'entends.

Quelques secondes s'écoulèrent sans réaction.

— Et toi ? Eh, crâne chauve ! Tu m'écoutes ? Qu'est-ce tu...

Merde.

Entouré de ses homologues, le médecin entraînait dans sa course un lit d'urgence recouvert d'un drap blanc. Leurs pas s'entremêlaient comme ceux de brigands pourchassés par la police. Il ne me parlait pas... mais j'étais avec eux, alors autant les suivre. Ils s'aventuraient dans un couloir sordide digne des plus grands asiles psychiatriques.

Dire que j'y bosserais...

Mais ouais, l'hôpital ! Je reconnaissais ces blouses blanches et ses corridors frissonnants. Nayla y travaillait déjà, si ma mémoire ne flanchait pas. De toute façon, je n'avais pas le temps de rêvasser — les secours défoncèrent une porte et le lit dérapa pour pénétrer dans une chambre. Je me glissai à travers l'ouverture avant qu'elle se referme. Ils avaient cru me semer, mais personne ne m'échappait ! Une expérience s'offrait à moi, un cadeau du ciel : pouvoir admirer de près les sauveteurs en plein travail n'avait pas de prix pour mon CV.

Le drap s'envola. Du marbre coula sur l'un des médecins.

— Malek ?

Nayla ! Elle me reconnaissait enfin !

Non... Y'avait une couille dans le pâté, pour reprendre l'expression de maman. Son regard s'était arrêté loin de moi, ce qui n'était pas son genre. Je respectais ma grande sœur pour ses valeurs et son esprit combatif : ses yeux ne tombaient jamais. Que ce soit face à la famille ou la jonglerie entre son âme scientifique et l'Islam, rien ne se mettait au travers de sa sagesse et sa détermination, et pourtant...

Elle dévisageait son patient. Mon regard suivit le sien. L'homme reposait. On le barbelait de tuyaux en tout genre, au torse, au...

C'était moi.

Nan...

Au-dessus de la scène, aucun doute n'était permis. Le visage ensanglanté, je lâchais prise, entre la vie et la mort.

C'était moi. Pourtant, le moi, le vrai, flottait par-delà la pièce. Mes pensées s'alignaient, mes sens s'activaient. La vie ne m'avait pas encore quitté. Alors, mon corps, sur ce lit...

— On va le perdre ! hurla-t-on.

La panique grignotait la mine de Nayla. Des perles gouttaient de ses yeux fatigués, assombris par sa peine. Pourquoi restait-elle là ? J'allais bien ! Nayla !

Je tendis le bras vers ses épaules, mais rien ne se produisait. Seul son gant écrasait sa peau de café, illuminé par les lampes incandescentes.

— Tout va bien se passer...

Mes mots résonnèrent, mais s'échappèrent dans l'air sans que personne n'y prête attention.

Une femme déboula du couloir.

— Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

— Un accident sur l'autoroute entre Ayan et Notah. Un type a sauté du pont et des voitures ont valsé en voulant l'éviter.

— Putain de sauteur !

« Putain de sauteur »...

M'étais retrouvé là à cause d'un accident à la con ? Vraiment ? Bordel, ça empirait chaque fois que je sortais ! Le dicton disait « vis au jour le jour », et j'avais vécu, mais s'arrêter là ? À vingt-et-un ans ?

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtWhere stories live. Discover now