Chapitre 39.1 ✔️

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E N E K O


          Je n'avais pas fermé l'œil de la nuit.

Je n'avais pas bougé le moindre muscle.

Je n'avais pas ingurgité le moindre aliment.

Je n'avais pas ingurgité la moindre goutte d'eau.

Rien.

Je n'avais rien fait, si ce n'était pleurer, me lamenter.

Mais cela ne servait à rien.

Alors je ne faisais rien.

Pourtant, les premiers rayons de soleil agressaient déjà mes yeux affaiblis. Quelle heure était-il ? Sept heures, peut-être. J'avais passé au moins la moitié d'une journée à me morfondre, plongé dans ma solitude, à ressasser toutes mes erreurs. J'avais touché le fond. De tous mes faux pas, celui-là était sans doute le pire.

Malek...

Dès que ce prénom surgissait dans mon esprit, je fondais en larme, et cela n'était pas prêt de s'arrêter. Moi qui croyais autrefois n'avoir aucun cœur... j'avais avalé, sans broncher, les mots de ceux qui m'avaient insulté au lycée.

Aujourd'hui cependant, je savais qu'ils avaient eu tort, que j'en avais un, parce qu'il était brisé.

Le manque de sommeil me paralysait, mes yeux piquaient à un point qu'ils m'envoyaient des décharges. Mes paupières et mes cernes m'accablaient, tirés par des masses de cent kilos. Je reniflai et déglutis une nouvelle fois, la gorge brûlante, le regard rivé au plafond.

Absolument vide et inintéressant.

Cela me représentait plutôt bien.

Je soupirai et arrachai les fils attachés à mon bras. Ils avaient gardé la perfusion, conscients que je n'avais plus aucun goût à la nourriture. Je n'avais plus le goût à rien.

Je ne me sentais même pas coupable. La vie avait perdu tout son charme — y mettre un terme ne me faisait plus peur, au contraire. Je commençais à prendre l'habitude. Était-ce un bon signe ? Sûrement pas, mais cela n'avait pas d'importance. Comme tout le reste. Cette sensation disparaîtrait avec moi.

Un.

Deux.

Trois.

Quatre.

Cinq.

Je comptai les secondes, comme ce vieil Ery, qui avait péri dans les décombres. Je n'avais plus que ça, voir le temps défiler devant mes yeux inutiles. Ce temps immatériel, qui n'était qu'une notion inventée pour donner un peu plus de logique et de sens à notre vie.

Une bonne dose de stress dans les veines de la race humaine.

Vingt-deux.

Vingt-trois.

Vingt-quatre.

Vingt-cinq.

Plusieurs fois, un nouvel infirmier me rendait visite. Il essayait de me faire manger, en vain. Alors, il reliait de nouveau mon bras à la poche de liquide transparent qui pendait au-dessus de mon crâne. Ils étaient perspicaces.

Je soufflai. Lutter ne servait à rien.

Pas ici.

L'après-midi, ma mère me rendit visite. Je n'avais pas eu hâte de la voir. Lorsqu'elle entra dans la salle, elle simula quelques sanglots et une joie incommensurable de me retrouver. Elle m'enlaça comme elle le pouvait, mais je n'enroulai pas mes bras autour d'elle en retour. J'étais... vide.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant