Chapitre 12.2 ✔️

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E N E K O


          Le lendemain après-midi, nous arrivions à destination. Le bruit de nos chaussures contre le pavé craquelé devenait plus rugueux. Malek sifflotait et je titubais, les poings enfoncés dans mon short. Les siens ne rentraient pas dans son jean trop serré, il les glissait sur son pull en laine.

Un mot résumait les alentours : désolation. La poussière dilatait mes narines. Je prenais sur moi pour cacher mon agitation et mon cœur affolé. Le village de Mannah, cœur de nombreux rêves, avait construit sa réputation sur son activité paranormale frénétique. Aujourd'hui, il peinait à tenir debout, comme si un siècle l'avait anéanti. Les experts de phénomènes extraordinaires le prisaient, tout comme les combats de rue et trafics en tout genre. Heureusement, la présence de Malek et du soleil me rassurait.

— C'est ma sœur qui m'a poussé à faire des études de médecine, affirma-t-il. J'ai toujours retracé ses pas, au lieu d'ceux d'ma mère.

— T'avais d'autres idées ?

— Bah, je chante, mais c'est juste à l'occasion. Rien d'sérieux.

— Ah bon ?

— Quoi, on dirait pas ?

— Si... Ça m'étonne même pas, en fait.

Une voix angélique pour un corps angélique. Ma bave m'inondait.

Nous avancions dans ce village hostile et terne. Malek avait un peu d'expérience contrairement à moi, mais les bâtiments délabrés semblaient toujours le fasciner. Au moins, cela nous faisait un autre point en commun.

— J'ai des frissons chaque fois que j'viens ici, gloussa-t-il.

— T'inquiète pas, je suis là pour te protéger.

Malek souffla du nez et je ris. Je ne me serais jamais imaginé traîner avec quelqu'un comme lui dans un tel endroit, mais tout semblait plus simple en sa compagnie. L'aura qu'il dégageait mettait à l'aise. Son honnêteté et sa sympathie s'occupaient du reste.

Ah, et cette constante chaleur... Si je continuais de le fixer, il se poserait des questions, mais je n'y pouvais rien. Moi aussi, j'avais peur — peur que ce que je considérais comme une connexion spirituelle se transformait en véritable affection ou fascination.

Au fil de la discussion, je dus avouer n'avouer ni études ni travail. Malek me proposa son aide pour en trouver un, mais je lui sortis une excuse pour refuser — j'en parlais avec nonchalance et cela le déstabilisait. Si j'avais sauté du pont, c'était aussi car je n'avais pas voulu affronter mon avenir inexistant. Hélas, je n'avais plus le choix. Heureusement, pour changer de sujet, nous nous trouvâmes des atomes crochus indéniables, même si les différences ne manquaient pas non plus.

Nos semelles écrasaient les quelques brins d'herbes qui poussaient entre les pavés. Nous arrivâmes devant un bâtiment à la façade déchirée, vide de l'intérieur, comme si personne n'y avait jamais habité. Paradoxalement, l'atmosphère y était chaleureuse, ou du moins, rassurante... sans doute une de mes bizarreries.

— C'est là qu'je vais pour m'détendre, quand j'veux m'vider la tête.

— Ouais, je vois pourquoi...

Facile de s'abandonner et de se lâcher ici, détaché du reste du monde.

Malek tapota à plusieurs reprises son téléphone, ce qui rompait notre discussion. Je ne me serais pas inquiété si je n'avais pas discerné la photo de Sonja en chancelant à côté de lui.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant