Chapitre 17.2 ✔️

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E N E K O


          Un grincement aigu m'arracha de mon sommeil. Bordel, Malek, ton réveil ! Mon corps se raidit, à deux doigts de la crise cardiaque.

Ce baiser... s'était-il produit, ou n'était-ce que le fruit de mon imagination, plus vrai que nature ? J'en mettrais ma main à couper, la volupté de ses lèvres chatouillait encore les miennes...

Le garçon se leva sans m'accorder un regard. Oh, non, que m'arrivait-il ? Ma pire crainte, sans doute. Cette connexion que je pensais spirituelle uniquement se transformait. Je déglutis. Je n'aurais pas dû laisser mes passions prendre le dessus sur ma raison, même dans un rêve. Je n'aurais pas dû... je n'aurais pas dû dormir !

Je ne possédais plus aucun contrôle sur ce qui m'arrivait. Cette flamme s'agitait dès que je songeais à lui et je ne pouvais plus différencier entre notre lien angélique qui nous unissait et l'attirance pure que j'éprouvais à son égard. J'enfouis mon visage dans l'oreiller.

Je ne tombais pas amoureux. Pas possible.

Malek s'éloigna et me laissa enfermé. Je pensais avoir à partir avec lui... mais visiblement non. Mes paupières se refermaient seules, alors je ne luttai pas. Au moins, si je le revoyais, je serais sûr de rêver...

L'après-midi, nous avions rendez-vous devant le bureau de Prairie. J'appréhendais cette journée puisque les vendredis régurgitaient souvent de rebondissements, mais surtout car on nous avait annoncé une séance en forêt — le lieu idéal pour se faire agresser par des démons, surtout si cette dernière était hantée !

— Ah, vous êtes déjà là !

Prairie débarqua, vêtue d'une longue chemise blanche dépassée par un veston en cuir et d'un pantalon flottant. Je n'arrivais toujours pas à croire qu'elle avait franchi la cinquantaine, elle avait tellement l'air plus jeune.

Nous nous engageâmes dans sa voiture bleu nuit, direction la dernière forêt d'Arkan encore en vie. Une partie du terrain avait fermé au public, mais les gens s'en fichait. Peut-être était-ce en lien avec ce fameux culte dont Sonja et Anaël parlaient ?

— Vous allez souvent en forêt ?

Malek et moi répondîmes négativement.

— Vous manquez quelque chose, c'est tellement relaxant ! L'air pur des arbres, le contact avec la nature, il n'y a rien de mieux pour déstresser. J'y vais de temps en temps, pour me reposer. J'ai beaucoup de travail, et à la maison, j'ai parfois besoin d'une pause de mes chiens et de mon mari, même si je les aime beaucoup.

Cette gentille dame adorait raconter sa vie.

— Une des rares choses que ma mère m'a léguées, c'est son amour pour cet endroit. Il la passionnait. J'avais l'habitude de m'enfoncer en forêt, jusqu'à ce que le centre ferme au public.

— C'est fermé depuis quand ? demandai-je.

— Je ne sais plus. Quelques années ?

— Ma sœur adorait les plantes, aussi, avoua Malek. J'voulais travailler dans c'genre de choses avant.

— Pourquoi n'as-tu pas continué ?

— Bah, pas beaucoup d'avenir, j'suppose.

— Tu te trompes. L'héritage de ma mère est faramineux.

Le paysage urbain laissa place aux arbres. Enfin. La voiture de Prairie me donnait des nausées. Encore une dizaine de minutes de trajet et j'aurais sans doute vomi le tajine de Dahlia.

Nous nous garâmes dans un parking minuscule que l'on semblait avoir aménagé il y a une centaine d'années. De gigantesques végétaux aux feuilles frémissantes me subjuguaient. Les rayons du soleil les transperçaient difficilement, créant une luminosité disparate, mais sublime.

— Il y a une clairière pas loin, annonça Prairie. C'est là qu'on va !

Nous nous enfonçâmes sans broncher. Malek titubait de joie devant moi, mains dans les poches, yeux admirateurs. On aurait dit un gamin le jour de Noël. Prairie, toujours en talons, menait la danse.

— La relaxation en forêt a beaucoup d'effets bénéfiques et thérapeutiques. C'est idéal pour chasser les démons qui vous hantent. Ma mère m'enseignait des techniques pour se réconcilier avec soi-même. Après une E.M.I., on a tendance à s'infliger beaucoup de choses, des regrets, des décisions, des limites... Au bout d'un certain temps, ça peut devenir difficile à gérer. Il faut savoir utiliser cette deuxième chance à bon escient.

Oui, cela avait l'air sympathique, si des démons affamés ne nous épiaient pas ! Malek ne s'inquiétait-il pas, ou cette étendue forestière l'avait-elle déjà remis à zéro ?

— Ça m'rappelle mon enfance, me confia-t-il. Ma grande sœur m'emmenait dans des bosquets, elle m'apprenait plein de trucs sur les types de plantes...

Il nageait au paradis, mais mon inquiétude me rongeait de l'intérieur. Je le laissai derrière pour toucher quelques mots à Prairie.

— Vous connaissez bien cette forêt ? C'est vrai qu'elle est hantée ?

— J'y suis allée tellement souvent que je pourrais m'y retrouver sans aide. Et hantée... Y crois-tu vraiment ? Le seul potentiel danger, ce sont les animaux, et encore, si tu te montres agressif avec eux.

— Pourquoi est-ce qu'ils ont fermé le centre, alors ?

— D'après mes souvenirs, beaucoup de délinquants s'y réunissaient. C'était le théâtre de de trafics et d'évènements horribles... Le gouverneur n'a pas supporté.

— Ouais, ils sont juste partis à Mannah, quoi.

Attentive, Prairie m'analysa à l'écoute de ce nom.

— Mannah ne fera pas long feu non plus.

Je ralentis la cadence pour demander l'avis de Malek. Mon visage pivota, et là, nada, aucune silhouette en vue. Entre les troncs ? Le néant. Mon regard balaya les alentours. Les arbres se ressemblaient. Rien n'attirait mon attention. Non, non... Pas ici ! Partout, mais pas ici !

— Euh, excusez-moi ?

— Oui ?

Elle interrompit sa marche et comprit rapidement la cause de ma panique soudaine. La paranoïa parlait peut-être à ma place, mais le premier nom qui me vint à l'esprit fut : Aversion.

— Où est Malek ?

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant