Chapitre 13.2 ✔️

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M A L E K


          Un frisson me raidit la colonne vertébrale à l'intérieur de la demeure. En un éclair, l'atmosphère réveilla des fragments de familiarité que je ne saurais expliquer. Pourtant, je n'avais aucun souvenir d'être déjà venu.

— Mets-toi à l'aise.

J'enlevai mon pull, mais mon tee-shirt tenta de le suivre. Je le replaçai, mais cela avait suffi à Sonja pour m'adresser un sourire aguichant.

— Fais pas attention au bordel là, on est en train de refaire la cuisine.

À part le chantier en cours, la demeure impressionnait et respirait la propreté, le bon-vivre, comme si on l'avait construite à l'image de sa résidente. La vacuité du salon ouvert sur un jardin me procurait une bouffée d'air frais. Cela changeait de la maison.

— Tes parents sont pas là ?

— Non, ils sont encore en vacances. Tu veux boire quelque chose ?

— T'as quoi ?

— Oh, plein de choses.

Elle piocha d'une commande en bois un paquet de bières attrayant. Les bouteilles tintinnabulèrent. De quoi oublier... !

— Comment tu sais que j'aime ça ?

— Juste une simple intuition.

Avec tout ce stress emmagasiné, je méritais une petite cuite. Elle m'aiderait à m'émanciper du spectre d'Eneko pendant quelques heures. Sonja embarqua l'alcool dans sa chambre au second étage, où toute familiarité disparut. Cette dernière, même si plus petite que je ne l'avais imaginée, n'en restait pas moins cosy. Peu de meubles y étaient installés si ce n'étaient un lit, un bureau, une étagère et une commode, le tout peint en blanc, gris ou taupe.

— Tu fais souvent des soirées, ici ?

Une personne avec autant d'alcool et une si grande maison en organisait forcément, sinon, quel gâchis ! Ça expliquerait aussi cette sensation de déjà vu...

— Rarement.

— C'était quand, la dernière ?

— Je ne sais plus. Au début de l'été, il me semble.

Une fois la première bière offerte, mes appréhensions s'évaporèrent. Avec elle, rien de grave pouvait arriver. Je bus sans modération.

La deuxième descendit tout aussi facilement.

La troisième aussi.

Sonja les savourait. Elle nous avait enfermés. La musique qui tonnait dans les haut-parleurs m'enjaillait — il faisait déjà nuit. On riait aux éclats, à se raconter des histoires embarrassantes de jeunesse.

— Et donc, il a fini avec un compas dans la main et j'ai été expulsée pendant une semaine, se vanta-t-elle, chancelante.

J'accompagnais une psychopathe qui avait percé la paume d'un camarade de classe parce qu'il lui avait envoyé des lettres d'amour anonymes. Chaque seconde passée grandissait ma fascination pour cette femme. La bouteille de vodka à moitié vide posée sur le bureau m'émoustillait. On l'avait entamée grâce à un jeu d'alcool qui nous avait permis de nous connaître de façon assez ludique.

L'innocence apparente de Sonja n'était qu'un acte. Chaque fois que j'admirais ses clavicules, elles se dévoilaient, ses vêtements glissaient, peut-être par inadvertance, peut-être pas. Le monde tournait autour de moi — malgré ce que j'avais toujours prétendu, l'alcool n'était pas mon meilleur ami.

Je m'avachis sur son matelas. Elle tituba jusqu'à son ordinateur pour changer de liste d'écoute. Adieu les musiques de fête: elle choisit minutieusement les prochaines pour nous plonger dans une atmosphère plus suggestive. Elle adoucit également la puissance de l'ampoule. Ses gloussements m'attiraient, sa peau aussi. Comment lui dire, ou du moins, comment lui faire comprendre ?

— J'ai besoin de vider ce qu'on a avant que mes parents arrivent. Un par un, une gorgée ?

Mon regard dériva sur l'alcool fort qui stagnait dans son récipient. Je sentais la mort arriver, mais je n'avais jamais refusé un tel défi.

— Pft, j'ai déjà fait, me vantai-je.

Alors, on était dix, mais bon...

Bouteille en main, la guide s'écroula près de moi et je me redressai. Ses lèvres pulpeuses cajolèrent cette dernière et le liquide transparent cascada jusqu'à sa gorge en m'éclaboussant.

— Tiens.

— J'suis pas sûr qu'ça m'aide avec tout c'délire d'anges...

— Si la vodka ne règle pas tous tes problèmes, c'est qu'y en a pas assez.

Immédiatement, j'avalai une bonne gorgée et luttai pour ne pas faiblir jusqu'à la dernière, engloutie par la jeune femme. Mon gosier brûlait et je pris de longues respirations pour ne pas perdre conscience. Mes yeux foiraient leur mise au point, mais n'avaient que son corps en ligne de mire.

— Tu m'as toujours pas dit si t'avais déjà fait quelque chose avec un garçon.

— J't'ai dit que j'étais hétéro...

— T'es sûr ?

À l'heure actuelle, étant donné l'effet qu'elle produisait sur moi, je n'étais sûr que d'une chose : j'appréciais le corps féminin.

— Bah... j'sais pas, on sait jamais c'qui peut arriver.

— J'approuve cette attitude.

Elle continua à rire sans raison. Je ne comprenais plus rien. Son visage s'approchait du mien — je désirais le caresser plus que tout. Ses paupières tombaient sur ses yeux écarlates. Je n'osais même pas imaginer l'état des miens.

Pourvu qu'elle ne remarque pas la bombe nucléaire sous mon jean... Vite, je devais attirer son attention !

Un voile sombre obscurcit ma vision et tout devint flou. Le visage de Sonja l'avait obstrué et mes lèvres s'agitèrent.

Au bout de quelques secondes de vide, je réalisai. Elle m'avait embrassé.

Ouais, elle venait de m'embrasser ! Le même désir que moi la brûlait. Déconcerté, je laissai ma main se balader sur son corps lorsqu'enfin j'entrouvris la bouche.

Je ne ressentais plus que deux émetteurs de chaleur. Autour de nous, plus rien n'était net ou n'avait d'importance. Ses lèvres douces m'enivraient, nos salives se mélangèrent au contact tumultueux de nos langues.

Je retombai sur le dos. Son genou caressa mon ventre jusqu'à s'y mettre à califourchon.

— Ah, t'es en forme aussi.

Cette phrase me consuma. La flamme dans ma poitrine s'agitait et je sentais que la sienne également. Un tourbillon caniculaire de sensations et émotions orageuses m'emporta à cette idée.

Son crop top large en dentelle rendait la balade de mes doigts divertissante, mais pour plus de facilité, elle l'enleva. Un soutien-gorge de velours se libéra. Des mains suaves palpaient mon torse jusqu'au moment où une fraîcheur m'indiqua que mon ventre était à l'air. Dans un élan de sensualité, mon haut disparut.

La chaleur et l'alcool dictaient mon corps. Dans ce genre de situation, je perdais la parole, mais on s'en foutait. Seuls les gestes avaient une véritable signification.

La peau de Sonja se frottait à la mienne, la dureté se mêlait à la douceur. Nous tournoyions jusqu'à nos pertes, couverts de sueur. Les doigts de Sonja dansaient sur ma poitrine, mes abdos puis mes hanches. Ils se posèrent sur mon caleçon et mon corps se libéra. J'essuyai ma nuque. L'afflux de sang m'envoyait dans une transe face à cette déesse du désir dont les cheveux me chatouillaient les hanches. Je n'avais plus rien sur la peau, et dans la chambre, une canicule terrifiante, mais agréable s'instaura.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtWhere stories live. Discover now