Chapitre 5.1 ✔️

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M A L E K


          Prairie nous alerta de la fin de la séance. Je m'empressai de quitter ce bureau fou. Tout ça n'avait aucun putain de sens. Ce gars n'avait aucun putain de sens.

Les ajours aux vitres mosaïquées me crachèrent des rayons du soleil aveuglants. Aveugle. L'on voulait me faire croire que je l'étais devenu. « Des séquelles du traumatisme », d'après elle – une professionnelle reléguait les démons qui hantaient mes nuits en folie passagère... mais non, je ne les imaginais pas.

Je balafrai le lino de traces de terre jusqu'à l'escalier. Malheureusement, une voix timide m'interpella. Bordel. À contrecœur, je me retournai et portai une main au front pour analyser sa silhouette floue. Son anxiété le piquait comme un balai dans le cul, mais il arborait un sourire falsifié dans l'espoir de paraître serein. Bof.

— Tu aurais le temps de parler deux minutes ?

Sérieux ? Je n'en avais aucune envie... venir ici avait été une erreur. Cet accident avait été une erreur. La masse qui s'écrasait sur le goudron, suivie de la gomme des pneus en plein crissement, les carambolages...

« Putain de sauteur. »

— Nan, désolé.

— Malek !

Sa voix me retient encore. Il avait attaché des chaînes à mes poignets et ne semblait pas vouloir m'en libérer. Je ne voulais pas assister à une nouvelle perte d'éclat comme me l'avait fait subir Nayla, ce soir-là. J'avais tenté de tout lui raconter, de lui parler de mamie, de la lumière, mais son regard... une honte s'en était accaparé. Elle m'avait pris pour un timbré, un hérétique.

J'avais ravalé ces souvenirs à cause d'elle. Eneko, lui, résistait pour que sa pupille ne me fuie pas et pinçait sa lippe.

Je soufflai mon dégoût. À qui faisais-je croire ces conneries ? Je ne pouvais plus agir comme si de rien n'était, comme si je pouvais continuer à marcher droit devant moi sans penser aux conséquences comme j'avais l'habitude de le faire. Les conséquences, je les vivais, maintenant. J'avais besoin de réponses.

J'ajustai ma veste en jean et il boita, lui et son aura lumineuse.

— Désolé si je te dérange...

Autant jouer le beau gosse sympathique — ma carte maîtresse. Mes fossettes s'élevèrent, même si je n'aimais pas les montrer, et laissèrent mon sourire parler.

— T'inquiète. Tranquille, toi ? Elle t'a pas trop fait chier la semaine dernière ?

— Non, ça va... Au contraire, c'était typé cool.

Typé cool ? C'est quoi ça, encore ?

Le voir rayonner alors qu'il n'avait qu'une jambe et un bras fonctionnel m'ajouta une raison d'arborer mon meilleur masque. Je ne désirais pas son amitié, juste des éclaircissements dans l'espoir que ça m'aide à passer à autre chose, parce qu'en ce moment, je galérais...

D'un pas d'éléphant, je me dirigeais vers la cage d'escalier, mais il tira une nouvelle fois ses chaînes, m'obligeant à le dévisager. Sa béquille tremblait.

— On peut... parler un peu de l'E.M.I. ?

Des réponses. Il détenait mes réponses.

— Dis-moi plutôt ça, on s'est vus, non ? S'te plaît, dis-moi qu'tu m'as vu, sinon, j'vais péter un câble, mec.

Je l'avais vu, comme j'avais vu mamie, que Nayla me croie ou non, je... je le savais ! Vu son relâchement des épaules, mon rire nerveux le rassurait. J'avais espéré qu'il se rappelait aussi de moi. Après tout, il avait failli se gameller à ma vue, la semaine dernière.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant