Chapitre 18.2 ✔️

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M A L E K


          Dehors, je reposai le bras d'Eneko sur mes épaules et l'on suivit la basanée. L'établissement n'avait pas changé d'un poil : les mêmes banquettes vermeilles encerclaient les tables hautes. L'endroit empestait l'odeur du café. Sonja me demanda de l'attendre tandis qu'elle emmena dans les cuisines. Elle piocha dans le bac à glaçon le rejoignit.

À leur retour, l'estropia m'assura qu'il allait mieux, de quoi alléger mon inquiétude. La guide sauta sur l'un des tabourets placés devant le comptoir et un charmant serveur se pencha vers elle.

— Ce sera quoi ?

— Trois Bloody Angel, avec deux ou trois gouttes de sang de démon, si possible.

— Avec plaisir, s'éloigna-t-il, un sourire en coin.

Du sang de démon ? Et puis quoi, encore ? Ne pouvait-on pas demander une bière à la place ?

La commande arriva en quelques secondes — trois shooters translucides dans lesquels un filtre jaunâtre se diluait.

— Vous inquiétez pas, c'est gratuit. Heureusement d'ailleurs, parce que j'aurais pas les moyens de payer à chaque fois. Cul sec, OK ?

— C'est quoi ? grimaçai-je.

— Votre pass d'entrée.

Le liquide coula dans la gorge de la jeune fille avec aise et je fus obligé de l'imiter. L'arrière-goût de détartrant raviva de lointains souvenirs amers que j'avais crus noyés dans les abysses...

— C'est dégueulasse ! ravala Eneko.

Une vibration dans ma poitrine déclencha l'apparition de ma flamme. J'avais l'impression d'avoir ingurgité un téléphone.

Sonja abandonna son verre, taché par ses lèvres, et s'enfonça dans l'établissement. Dans un coin à l'abri des regards malveillants, elle posa une main au mur.

— Sésame, ouvre-toi.

Dans un battement de cils, les carreaux se séparèrent en un passage qui donnait sur un escalier d'un blanc immaculé. Eneko se pétrifia, la mâchoire décollée.

— C'est une blague ?

— T'as vraiment dit « sésame, ouvre-toi » ?

Sans un mot, Sonja grouina et s'avança. Allô ? Une explication, c'était trop demandé ? Je m'assurai de l'absence de regard indiscret et descendis après Eneko. Le mur se referma derrière moi comme par magie.

L'atmosphère se bouleversa. Une fraîcheur automnale m'enveloppa au fil de l'escalier. Chaque marche se fondait avec la suivante tant leur blanc respirait la pureté — pas par pas, je veillai à ne pas me casser la figure.

Au bout, une double porte argentée nous bloqua le passage, que Sonja poussa l'ouvrit comme si elle entrait dans un château.

— Bienvenue au véritable Angélique !

Je cherchai le regard d'Eneko, mais ce dernier s'engouffra dans ce qui s'offrait à nous. Mes pupilles l'imitèrent, et là... Oh, la vache ! Les mots me manquaient face au spectacle à la fois fantastique et technologique que l'on me proposait.

Devant mes yeux se dévoilait un magnifique complexe opalin, connecté à l'escalier par un couloir royal parsemé d'ascenseurs. Je m'avançai à pas de renard pour découvrir l'étendue de ce qui avait l'air d'être la salle principale, impeccable. Les couleurs froides et lumineuses prédominaient dans cet endroit épuré de toute superficialité. Au centre s'élevait une plateforme amovible sur laquelle une table projetait des hologrammes en tout genre, dont le double A d'Aversion. Des feuilles et des bouquins y étaient éparpillés.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtWhere stories live. Discover now