Chapitre 18.1 ✔️

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MALEK


          La joie de la libération m'engouffra une fois sorti de cette futaie démoniaque.

Ma cadence ralentit à cause de l'épuisement et du poids d'Eneko — il s'était blessé à la cheville qu'il lui restait en tentant de fuir. Je le portais sur mon épaule, mais le traumatisme entravait son endurance, alors une pause s'imposa.

Seules nos lourdes respirations aléatoires brisaient le silence naturel.

— Tu vas bien ? m'enquis-je.

Une toux rauque au milieu de halètements me répondit.

— Ouais.

Son mensonge crevait les yeux, mais je n'osai pas le contredire. J'analysais juste sa grimace et son corps contusionné, à terre.

Lui aussi n'était qu'une victime des circonstances. Je n'avais pas bien agi en l'accusant et en l'envoyant bouler, à Mannah.

J'essuyai quelques gouttes de transpiration et m'agenouillai à ses côtés.

— Ça va aller, j'suis là. OK ?

Eneko prit une seconde pause avant de me regarder, la pupille dilatée. Le bleu de ses iris vaguait dans des larmes. Il me tourna le dos et se repositionna dans un râle, comme honteux de pleurer.

— Désolé. Ça me fait vraiment mal...

— Est-ce qu'on peut... parler de ce qui vient de se passer ?

— Quoi ?

— Prairie !

— Tu veux parler de Prairie alors que y'a un cheval démoniaque qu'a failli me tuer ?

Il m'accusait à tort, mais ne le réalisait sûrement pas. Son ton d'abord virulent s'apaisa à la vue de mon visage. Je m'inquiétais pour lui. Cette apparition ne m'avait pas autant bouleversé que la Mara, alors le protéger me paraissait capital.

— C'est ça que t'as vu tout à l'heure, hein ? soupira-t-il.

— Non... c'était pas ça.

— Quoi ? Tu te fous de moi ?

— J't'ai dit qu'j'avais vu une femme ! Pourquoi j'te mentirais ?

— Je... J'en sais rien, moi !

Je l'avais aperçue de loin, mais il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer sa poitrine à l'air. Sa silhouette étrange m'avait forcé à me perdre. Des longs cheveux frisés lui cachaient le visage et des racines s'enroulaient autour de corps, comme si elles poussaient sur elle. Difficile de départager entre nudiste folle et créature surnaturelle...

— Qu'est-ce que tu fais ?

Enragé, le blessé m'arracha sa jambe valide et un gémissement de douleur éclata. Je ne devais pas le brusquer.

— Laisse-moi regarder ta cheville.

Doucement, je remontai son pantalon et glissai un pouce sur son bleu malgré sa réticence, tout en caressant sa jambe. Tout me paraissait en place.

— Tu t'es juste tordu la cheville. Tu peux t'lever ?

Il empoigna ma main tendue et je lui demandai de marcher. Il enchaîna deux, trois pas avec difficulté. Quatre, cinq... Un râle sévère gronda. Il s'écroula à genoux. Aïe. Sa souffrance me crispa — je le palpai maladroitement pour l'aider à s'asseoir.

— C'est pas grave, mais faut qu'on rentre vite, que tu t'mettes de la glace.

— Et comment ?

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant