Chapitre 31.1 ✔️

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E N E K O


          Les crépitements de la cabane et des arbres enflammés s'engouffraient dans ma respiration haletante. Ils se mariaient aux picotements qui m'électrisaient le corps. Je n'avais pas d'autre choix que de m'écrouler une énième fois.

Les blessures que m'avait infligées Anaël n'avaient fait qu'empirer après l'altercation entre Malek, Sonja et Prairie. Le crâne enfoncé dans la terre séchée, je soufflai un bon coup — tout était terminé, pour l'instant en tout cas. Lorsque mon regard se posa sur l'homme qui m'avait soulevé jusqu'ici, mon cœur s'emplit d'une joie et d'un soulagement immense.

Ma jambe frappa le sol et porté par un amour inconditionnel remède de toutes lésions, je me relevai. Une décharge de douleur et je virai vers l'avant.

J'atterris sur un corps que je connaissais bien. Meurtri, il en restait chaud et accueillant. Nous étions finalement ensemble. Sans que je leur donne l'ordre, mes lèvres se dirigèrent vers les siennes et je l'embrassai avec une douceur inédite. Si j'en avais encore la force, je pleurerais sans doute. Mes épaules glissèrent contre les siennes. Ses bras m'enveloppèrent telle une couverture chaude et duveteuse. D'une voix tendre et faible, il susurra :

— Tu m'as fait peur.

Mes pupilles fixaient la destruction derrière lui. Les flammes tourbillonnaient avec la même ardeur que celles dans nos poitrines. Cette tornade de folie me ferait oublier tout ce que j'avais enduré.

— Je t'aime.

Je déglutis, tentant de ravaler ces paroles à la dernière seconde, mais c'était trop tard — elles s'étaient déjà envolées. Malek, cette fois, pourrais-tu les rattraper?

— Moi aussi.

Des bribes de joie scintillaient. Je restais muet.

Avais-je bien entendu ? Mon imagination ne me jouait-elle pas des tours ?

Mes mains, posées sur son dos rugueux, hésitèrent. Elles devinrent fébriles, tout comme le reste de mon corps. Mon cœur se contorsionna, mais aucune douleur ne brisa ce sentiment. C'était une joie... Une joie qui bouillait le sang dans mes veines, qui agitaient des papillons, tout juste métamorphosés, à l'intérieur de mon ventre.

Tu es trop émotif, Eneko, ça va pas du tout!

— Il a fallu que je tue quelqu'un pour que tu le réalises ?

Oh non... Je devrais éviter les bêtises dans ce genre de situation.

L'étreinte qu'exerçait Malek perdit en puissance afin de laisser son buste respirer. Nos regards se croisèrent, remplis d'espoir et de compassion. Le temps d'une seconde, le monde se cristallisa. Je lâchai un rire à priori communicatif puisqu'il m'imita malgré son évidente gêne. J'avais enfin l'impression de retrouver le Malek que j'avais connu la première fois, avec son air insouciant et charmeur — pas celui qui combattait sans cesse ses démons, effrayé par le futur, incertain de son univers. Il souriait grâce à moi. Plus de masques en vue.

— Non, juste que... Alors tu l'as tué, du coup ?

Je hochai la tête. Je ne pouvais pas l'avouer à haute voix. Cette vision n'allait jamais me quitter. J'étais devenu fou, avec ce poignard entre les mains. J'avais enchaîné les coups comme si le corps d'Anaël n'était qu'une poupée qui cracherait du coton après une coupure... mais non, c'était bien du sang sombre qui avait coulé. Il s'était mélangé au mien, avait taché ma peau et mes vêtements.

TRANSES 1: Deux Anges Revenus Trop TôtWhere stories live. Discover now