Différente : Déréliction [Fin]

Prologue

    La petite fille pleine de vie court, chante et joue dans tous les coins du parc. Elle n'exaspère jamais sa mère, au contraire. Elle aime la voir si vivante. Le sable du jardin d'enfant s'envole, soulevé par les pieds du bambin. La petite ne cesse de tourner. Les autres enfants en ont la tête qui tourne. Son rire fait sourire les parents, mais plus particulièrement sa mère, même si son cœur se vrille douloureusement. Cette dernière sait bien que la femme qui lit sur le banc d'en face fait partie de l'armada des médecins qui suivent furieusement sa petite fille. Elle est malade, et depuis très peu.

    Elle en a déjà assez. Ils sont bien trop présents dans leur vie et sa fille a besoin d'une enfance. Elle n'a déjà plus de père... Il les a laissés, promettant qu'il sera toujours présent pour elles. La jeune veuve avait alors perdu la moitié de son âme. Son amour s'était encore renforcé autour de sa fille adorée. Elle n'avait pas pu sauver son mari, elle réussira avec la chair de sa chair. Elle s'était jurée que plus jamais, elle ne perdrait quelqu'un de cher. Elle offrirait tout ce qu'elle pourrait à son enfant : une belle vie, tout ce qu'il y avait de plus simple.

    Dès lors que la petite commence à fatiguer doucement, elle reprend ses affaires et partent ensemble, main dans la main. Malgré ses moufles, la petite peut sentir la douce chaleur d'une mère dévouée. Elle sait ce qu'elle a et elle n'en a pas peur. Elle lutera avec sa mère comme un guépard. Elle courra avec détermination vers une vie sans peines et sans dangers. Elle connait déjà la mort. La retrouver ? Aucun souci, la petite tête blonde courra plus vite que sa propre fin.

   Elle se souvient des larmes de sa mère rouler sur ses joues quand elle l'embrassait, de peur qu'elle aussi disparaisse. Elle se souvient de la douleur de la perte ainsi que la détermination qu'elle avait vu dans ses yeux embués. Elle se remémore absolument de tout. Elle sert fortement la main de sa mère. Elle aussi se bâtera pour leur vie, quoi qu'il lui en coûtera.

    Yeux dans les yeux, elles prennent le petit chemin pour sortir du parc de jeux. Elles ne voient pas un homme venir dans leur direction. Cette jeune personne effleure légèrement la petite fille à la grosse doudoune qui se retourne. Elle tombe nez à nez sur une petite sucette verte, tenue par l'homme aux yeux aussi verts que la couleur de la sucrerie. Il est en train de s'excuser platement quand la blondinette prend le bâton avec un regard constateur. Ses yeux la transpercent, et inversement. Quelque chose passe entre-deux et la mère sait très bien qui il est. Son sauveur, en quelque sorte.

    Elles s'étaient déplacées dans les montagnes pour le rencontrer, alors que la petite fille était endormie. Le contrat avait été fait après plusieurs heures de négociation. Les termes ont été privatisé entre la mère et les montagnards. La petite, protégée depuis, est revenue avec sa mère fatiguée.

    Le jeune homme repart très vite, après avoir souri à la petite en face de lui. Quelques pas plus tard, un café noir macule la veste blanche ainsi que le chemisier de la femme médecin qui les suivait. L'homme aux yeux d'obsidienne continue sa route, un rictus légèrement sadique collé aux lèvres. Il cache très vite son gobelet en carton vide de caféine.

    La petite scotchée à sa mère l'a bien vu faire. Elle le trouve très drôle et met la sucette dans sa bouche en souriant.