Chapitre 1

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    Elle était verte, sur son lit à baldaquin. Elle vomissait sans arrêt. Cette odeur et ce goût si incommodent étaient si intenses que cette puanteur lui resta trois jours de suite... Elle prenait des médicaments toutes les six heures. Elle allait de mieux en mieux. Sa maladie n'a duré que quelques jours. Lorsqu'elle est redevenue à nouveau saine et bie, elle a repris sa vie comme-ci de rien n'était.

    Vous avez déjà vécu ça ? Moi oui et bien en pire. Je suis intolérante et allergique aux médicaments : c'est-à-dire que tous les médicaments me sont impossibles à prendre : ils empirent mon état au lieu de l'améliorer. Ceci dit, j'étais bien contente de ne pas en avaler, je déteste la sensation. Mais le problème est que, pour sortir, je dois me couvrir de plusieurs couches de vêtements comme personne n'en met, question de sécurité.

    Certes, je tombe malade comme n'importe qui. Malheureusement. Je souffre alors, sans aucun calmant. Pour éviter donc que cela m'arrive, ma mère et moi faisons tout afin que rien ne vienne nuire à ma santé. C'est vrai que je pourrai me sentir emprisonnée, clos dans un monde emplit de peur, mais, avec le temps, j'ai pris l'habitude. Ma mère essaie tant bien que mal de cacher cette vision que j'ai de ma vie. Par exemple, un jour, un chat noir est venu gratter à la porte. Je me suis dit qu'il allait me filer la mort. Hanna, maman, m'a dit qu'il ne se passera rien de méchant pour moi. Elle a pris le taureau par les cornes afin de me montrer que même s'il y a un danger, le chat dans ce cas et ses maladies, il ne m'arrivera rien. Et c'est le cas. Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais rien eu. Peut-être parce que j'ai peur de ce chat sans prénom ? Et que je ne m'en approche pas car trop effrayée ?

    Lorsque je suis née, j'étais déjà minuscule. Avec le temps, j'ai pris pour habitude de me faire deux tresses tombantes sur mes épaules. De plus, pour vraiment ressembler à un lutin sorti tout droit de la fabrique à jouer du père noël, il a fallu que je porte des grosses lunettes rondes. Ma mère m'appelle ma petite chouette. Je trouve ce surnom complètement enfantin, mais bon... Ah ! Les mamans ! Malgré ce look de jeune enfant, j'ai vingt ans et un boulot d'archiviste dans une minuscule bibliothèque à deux pas de chez moi ; c'est cool quand on a peur de sortir.

    Le réveil sonne. 11h30. Je le cogne de mon poing sur le haut. Je me lève du pied gauche et, ensommeillée, manque de me rétamer à terre. En soufflant, je descends l'escalier au bout du couloir d'un blanc immaculé, sans poussière, sans toile d'araignée (ma mère est très à cheval sur l'hygiène). Quand j'arrive en bas, je vois ma mère cuisiner. Je lui dis bonjour ; elle sent bon ; c'est toujours le même parfum que mon père a acheté avant de partir. Il est mort quand j'étais plus jeune, nous laissant ma mère et moi nous remettre du sort de cet horrible cancer.

    Je remonte les marches deux par deux pour rejoindre la salle de bain. Au fil et à mesure que mon horrible pyjama tombe au sol, je me rends compte que ma cicatrice est devenue rouge, elle a vaguement la forme d'un loup hurlant à la Lune. Je frôle du bout de mes doigts ma peau douloureuse. Après une longue inspection de celle-ci, j'entre dans ma baignoire. Je m'enfonce sous l'eau, triste de ne pas savoir pourquoi et comment elle est apparue.

    Après avoir mangé le déjeuner, maman et moi nous posons dans le canapé. Le mug rempli de chocolat chaud et de guimauve tourne dans mes mains. Ah maman et ses manières à me couver comme une petite. A un moment, alors que j'étais en train d'allumer l'écran, ma mère me pose une question, comme tous les jours, à la même heure. C'est comme une habitude chez-elle.

"Comment vas-tu aujourd'hui, ma chérie ?

- Je vais bien, comme d'hab'. Je n'ai pas encore attrapé la mort. Mais ma cicatrice n'est pas vraiment normale. Quand est-ce que tu me diras d'où elle vient ?"

    A la mention de cette trace sur mon corps, ma mère se renfrogne. Je fais de même ; elle ne m'a jamais dit ce qu'elle représente. Je devrai peut-être lui en vouloir de ne pas tout me dire, mais je ne peux pas faire ça, pas après ce qu'elle a vécu et ce pourquoi elle est comme cela avec moi. Je suis sûre que je n'ai pas besoin d'être aussi protégée contre les maladies ; elle est protectrice avec moi car elle n'a pas pu le faire avec mon père. Il était malade et elle n'a rien pu faire. C'est mon héroïne.

    Après une heure passée à regarder la télévision, je monte dans ma chambre en fredonnant une chance connue, je repasse par le long couloir, et arrive devant ma porte en un bois foncé. Je rentre et vois que rien n'est en place, quelqu'un serait-il venu ? Je ne sais pas. Je redescends en trombe voir ma mère tout en pensant à toutes les choses qui auraient pu arriver. Je lui transmets ce qui sans doute s'est passé, puis, nous faisons le chemin inverse, voir la chambre concernée. Ma mère s'étouffe de rire en voyant le chat ronronnant à terre entre la poubelle renversée et le pied de l'étagère. Je me pose sur le lit et je regarde ce que je dois ranger ; deux/trois livres affalés à terre presque intacts, mon étui à lunettes sous ma chaise, tout ce qui a sur mon bureau maintenant à terre, ... Je m'allonge sur le lit en passant à la vie que j'aurais pu avoir si j'étais... normale.

    Ça me changerait à vie, j'aurai des amis, je pourrai profiter de l'été et de toutes autres saisons qu'il fasse beau/mauvais, froid/chaud. Je me suis tellement habituée à la vie, ma vie, ma pauvre vie. Tout ce que j'ai pu imaginer depuis, me semble si loin, si étrange, que ça me fait peur.

    Je commence déjà à jeter le chat que je déteste plus que tout dans le couloir puis à ranger mes affaires. Je tombe sur une photo de moi lorsque j'étais dans mon lit d'hôpital, un tube dans la bouche pour m'oxygéner et des sondes pour, celles-ci, m'alimenter. J'étais endormie, et heureusement. C'était juste après avoir choppé la grippe dans mon école primaire. Pourtant au début, j'étais juste un peu enrhumée, mais ça s'est empiré lors de la prise de mes médicaments ; je suis tombée inconsciente lorsque j'étais en route vers l'école.

    On m'a alors retrouvée deux heures après et envoyée directement aux urgences. Je me suis réveillée quatre jours plus tard, les médecins m'ayant donné des médicaments. Ma mère avait fait une crise en me voyant dans cet état. Elle s'était renvoyée la faute sur elle-même. Elle ne voulait pas que je parte comme mon père l'a fait quelques années plus tôt. Quand je me suis réveillée, elle avait alors changé du tout au tout. Le nettoyage était vite devenu sa passion. L'isolation de notre appartement avait été refaite et vérifiée plusieurs fois. Il ne fallait en aucun cas que je retombe malade, ne plus prendre de médocs, ne plus passer à côté de la mort.

    Une heure après avoir fini mon rangement de mes affaires complètement saines, je dégaine mon téléphone portable et regarde mes actualités et mes messages. Au niveau communication, je n'ai rien, comme d'habitude, mais les actualités de monde entier et de la France sont déplorables ; les terroristes et leurs crimes à travers la Terre. Des regroupements des personnes se font dans chaque coin de la France, prouvant qu'ils ne pourront rien contre nous, rien contre la liberté. J'ai beaucoup lu de livres et de documents traitant de ce sujet. Je suis tout à fait d'accord avec les gens contres ce genre de « pratiques » inhumaines.

    Je lâche mon portable en un grognement et vais m'installer à mon bureau maintenant si bien rangé. En m'asseyant telle une pierre, je me claque le genou contre une barre en fer. Je retiens un cri de douleur comme quand je me coince le petit orteil dans la porte. Je me maintiens la jambe quelques secondes en soufflant bruyamment. Je maudis mon Dieu en sortant de ma sacoche une pochette en carton rouge sur le plan de mon bureau. Je sors quelques papiers recouverts d'une pellicule protectrice ressemblant à du calque et commence à les étaler. Ces quelques documents d'archives m'ont tapé dans l'œil il y a quelques jours. Un manuscrit écrit quelques siècles plus tôt sur plusieurs feuilles. Une histoire de personnes pouvant se transformer en loup ; des morphes.

    J'allume la puissante lumière de bureau et enfile des gants. Manquerait plus que j'attrape une bestiole des anciens temps. J'étale les vieux manuscrits sur toute la longueur de mon plan de travail et remonte mes lunettes sur mon nez en un geste rapide et précis. Je tire la langue en rapportant les phrases écrites d'une ancre sombre sur un bloc note. Je regarde sur l'écran de mon ordinateur accroché à mon mur le document traduisant chaque élément. Je finis vite de m'occuper de cette première phrase et passe directement à l'autre. Un premier paragraphe est complètement retranscrit en français ; je le relis quelques fois, corrigeant les choses qui n'ont aucun rapport, puis trouve une bonne fois pour toute la solution. 

Journal/écrit 12 :

La nuit s'était levée depuis quelques temps. Les hurlements de mes nouveaux congénères semblaient si proches de moi. Je me cachais derrière le tronc d'un énorme arbre. Je ne savais pas encore qu'ils pouvaient me sentir et donc me repérer. Humain, j'étais un simple ignorant comme tous les autres. Mais elle m'avait mordu.  

Différente : Déréliction [Fin]Where stories live. Discover now