Chapitre 39

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    Notre lien est puissant. Ses émotions, ses sentiments m'arrivent d'un seul coup, en pleine figure. C'est comme si un barrage avait été détruit à coup de pioche. Son cœur s'est ouvert. Tout cela se calque à ce que j'éprouve. Cette symbiose est magnifique.

    Tout en moi se met à se manifester. Mon ventre se réchauffe et se tiraille. Mes poumons se bloquent. Mes muscles se contractent en symphonie. Mon cerveau bouillonne, frôlant la surcharge. Mon cœur bat plus intensément, comme s'il voulait sortir de ma poitrine.

    Mais tout ceci n'est que le miroir de ce qu'il ressent lui. Je comprends alors. Il a peur de ce qu'il est capable de sentir. Pol a tout perdu parce qu'il aimait trop sa famille. Il a beau voulu changer, ce trait de personnalité est resté.

    Reprenant alors conscience de l'espace-temps, le loup se met à pousser un hurlement lugubre, me faisant vibrer les os. Les auras se rejoignent et semblent former une barrière infranchissable. D'habitude invisibles, on dirait qu'elles scintillent. Rejoignant ma force au mouvement dans un élan de cœur, ce mur devient lumineux et chaud comme le Soleil.

    Le lion, à la fois surpris et même soucieux de ce qu'il se produit, s'apprête à bondir sur nous. Son cri rageur résonne dans les montagnes tandis que ses muscles se bandent. Mais, alors que les loups se préparent à l'affronter en meute, le félin ne passe pas la barrière. En effet, de mes yeux ébahis, le lion se redresse sur ses pattes, le visage et le cou brûlés. Je cache de mes mains mon visage horrifié. Une sorte de fumée se dégage de ses plaies boursouflées. Un de ses yeux a sacrément pris un coup. Je doute qu'il puisse, un jour, se remettre à voir.

    Notre barrière a désormais perdu de l'éclat ; une trop grande dose d'énergie a été perdu. Je ne pense pas qu'une deuxième offensive sera aussi bien repoussée.

"En position, horde !" hurle Duncan de sa voix gutturale, animale

    Aucun d'eux ne bouge. Ils se regardent. Je souris alors. J'avais raison. Duncan se retourne alors vers ses rangs, l'air furieux. Un jeune homme aux cheveux blonds et, qui plus est, légèrement vêtu ne baisse pas les yeux lorsque Duncan s'avance vers lui. Ce dernier, bien plus grand, s'avance à seulement quelques centimètres de son visage. Son souffle fait voler ses mèches.

    Le jeune homme prend la parole. Ceci dit, il parle en un anglais peu courant. Connaissant très bien son écriture, je réussis à plus ou moins comprendre ses paroles :

"J'aurai dû écouter ce que mon serpent m'avait dit intérieurement lorsqu'il était encore en vie. Nous aurions dû partir."

    Rugissant à nouveau, je me demande s'il ne va pas le tuer pour ce qu'il vient de dire. Heureusement, il se détourne, de la rage suintant de ses pores. Je peux ressentir le soulagement du blond. Ce dernier croise mon regard alors que je le regardais. J'ai déjà vu ce regard. Ma mère l'avait : celui de la peur cachée par l'espoir. Et je sais que, pour lui, cet espoir c'est moi.

    Mon corps avance de lui-même quand Duncan saute d'un bond sur Niko. Personne ne l'a senti arrivé, pas même mon ami. La muraille d'aura cède en une déflagration. J'encaisse l'onde de choc et continue d'avancer, le cœur battant. Niko, piégé sous le poids de la bête, distribue les coups de pattes et de dents pour se délivrer.

"N'essaie pas de changer mes émotions, Oméga. Dieu nous protège !"

    Sur ces mots, le félin projette Niko à plusieurs mètres de là. Il s'écrase durement contre un arbre à la lisière de la forêt. Nous entendons tous ses os se briser. Les quatre loups se jettent alors dessus, crocs et griffes sortis. Le lion, plus souple que ce que laisse penser sa grande carcasse, esquive toutes les attaques. Distribuant les coups de pattes, il en touche plus d'un.

Différente : Déréliction [Fin]Where stories live. Discover now