Différente : Déréliction [Fin]

Chapitre 24

    Une ou deux heures passent sans que je m'en rende compte. Blanche est toujours cloîtrée dans la pièce aux écrans. Blue enchaîne les chansons les unes à la suite des autres. Je ne suis même plus les paroles de mes chansons préférées. Comme quoi je me mets vraiment à cent pour cent dans le travail de traduction de ces documents. J'ai dû faire une dizaine de papiers, tous parlant de choses aussi futiles que la pluie et le beau temps. Il apprend les bases de l'histoire, sans rien préciser, ainsi que les bases de combats et celles de ses futures transformations. Ça se passera aussi ainsi avec moi, j'en suis au courant.

    D'ailleurs, cet après-midi, je dois commencer mes leçons. Et, il faut dire que la tête avec laquelle Niko tirait tout-à-l'heure, je n'ai pas vraiment envie de passer le reste de ma journée avec lui. Déjà que j'ai passé ma nuit avec... Il faudrait juste que je prenne un peu mes distances, je crois que j'en ai besoin. Enfin, c'est mon côté humain pas habitué aux contacts qui dit ça. Intérieurement, je danse la samba à être dans la même pièce que lui. Et je crois que l'animal en moi est extrêmement d'accord avec moi. Il faut le voir tout-à-l'heure quand je me suis retrouvée à quelques centimètre de lui ; il était en extase.

    Une odeur vient me titiller les narines alors que je suis en train de m'étirer. Je bloque instantanément mes gestes en essayant de décrypter cette sensation plutôt sucrée. J'ai déjà senti ce genre de chose, mais en beaucoup moins fort, au temps où je vivais avec ma mère. Sauf que celles-ci doivent avoir le goût de vanille. Des gaufres. Quelques instants après avoir senti cette délicieuse odeur, dans mon dos, la porte de Blanche s'ouvre et se prend le mur de plein fouet. Eh, elle aussi vient de capter l'heure du petit-déjeuner. Elle me regarde, un sourire carnassier aux lèvres. Je souris à mon tour et me lève en même temps. Nous précipitant joliment en concert, nous sortons de la salle électronique. La bête en moi se lèche les babines tout comme moi. Voilà un point sur lequel nous sommes d'accord. Sans un mot, nous grimpons les escaliers, une plus vite que l'autre -trouvez laquelle-, et nous propulsons dans la pièce commune blindée de monde. Du coin de l'œil, j'aperçois deux places l'une à côté de l'autre. D'un mouvement de tête, car nous entendant pas malgré notre fine ouïe, je lui désigne le bout de la table. Cette salle est devenue un grand capharnaüm sans nom, où les "où sont les gaufres ?" et les "bordel, qu'elles sont bonnes" sont criés par-ci par-là. Autant vous dire que ma tête va devenir un genre de pastèque au bout de plusieurs minutes.

    D'un même mouvement, la louve noire et moi nous étalons de tout notre long sur la table afin d'attraper le plat intact de gaufres fumantes. Avec la force de deux louves affamées, elles ont bien failli se retrouver propulser de l'autre côté de la pièce. Nous nous regardons en souriant. Retrouvant ma place initiale, tirant avec l'aide de Blanche le plat imposant, je tente de ne pas baver. Cette situation me fait penser à celle de ma première fois devant ces si beaux steaks crus. Un véritable délice. Mon ventre se met à grogner pour la millième fois. J'ai la patience extraordinaire d'attendre que Blanche finisse de se servir avant que je me jette dessus sans retenu. Elles sont exquises. Pire que ça. Savoureuses, succulentes, merveilleuses, fameuses, délectables et, mon Dieu, captivantes. Mais un incident me fait montrer les dents ; une lourde main s'est posée dans mon dos. Je ne cherche pas à me retourner. Bryan, ce tocard d'anglais, trouve plutôt judicieux de m'emmerder quand je mange. N'a-t-il pas compris, plus tôt ?

"Ne me touche pas, clébard de merde. vociféré-je en posant ma fourchette

- Calme-toi, tu as du juste mal comprendre tout-à-l'heure. Tu reveux des gaufres ?

- Toi, espèce d'enflure. -je me retourne en me levant- C'est toi qui n'as pas compris ce que je t'ai dit. -plus petite que lui mais quand même droite et face à lui, je le regarde dans les yeux- Dégage."