Différente : Déréliction [Fin]

Chapitre 36

"Amia, je peux te parler de seul à seule ? -étant l'Alpha, Steban n'est pas obligé de me demander ; je ricane légèrement- C'est à propos de ta participation dans la vie de la meute. Ça ne va durer que quelques petites minutes. Suis-moi."

    Je laisse alors Kenzi dans le canapé et sors du bâtiment entraînée du pas quasi militaire de l'Alpha. Alors que les morphes semblent tous jeunes, il montre certains cheveux blancs ainsi qu'une barbe grisonnante. Je connais pourtant son âge et ne peux qu'admirer. Je sais pourtant que Kenzi est plus vieille que lui... On se laisse aller, Alpha ?

    Malgré ça, il reste constitué entièrement de muscles et d'os. C'est une montagne vivante donnant un loup encore plus impressionnant. Je me doute de son passé de guerrier. D'après Pol, il a combattu Moira de tête haute et en est sorti vainqueur, ce qui était rare à l'époque, les métamorphes étant plus puissants. De ce que j'en vois aujourd'hui, malgré une partie de sa puissance partie, Moira était une véritable force de la nature. J'applaudis Steban pour sa détermination et sa bravoure.

    Sur la route, il me demande comment je sens mon côté animal. Évitant soigneusement les sujets à omettre, je lui raconte alors l'envie de plus en plus forte de fouler la terre de mes pattes, de connaitre la vitesse, d'absolument tout sentir. Il rit en me disant que le plus tôt sera le mieux pour moi.

    Le reste du chemin se fait silencieusement. Nous passons par la forêt. A l'arbre renversé, -je ne l'oublierai jamais- nous bifurquons à droite. Je n'avais pas vu cette piste il y quelques jours, obsédée par cette quête d'aller toujours plus loin devant moi.

    Plusieurs mètres plus loin, nous tombons dans un jardin plutôt bien entretenu entouré de plusieurs petites bâtisses en bois et en pierres. L'ambiance est paisible. L'ensemble me fait vaguement penser à un jardin japonais.

    Poussant une porte, nous arrivons dans une pièce éclairée par des fenêtres aux fines planches de bois obliques qui ne laissent entrer que de minces filets de lumière. Une grande table est au milieu. La surface en verre détonne légèrement avec le lieu. Les chaises sont simplettes.

    Steban repose sa hanche contre la table avant de m'inviter à m'asseoir, ce que je fais.

"J'ai conscience que tu as passé toute ta vie humaine dans un univers aseptisé. J'ai conscience de l'importance qu'à ta mère dans ton histoire. Elle t'a protégée et s'est battue pour toi. C'est pourquoi je voudrais de proposer ceci. Nous manquons de guérisseurs au sein de la meute. Si tu souhaites faire quelques années d'études, humaines et lycannes, nous serions heureux de te les payer. Tu sauras très bien nous le rendre. Qu'en dis-tu ?"

    Faire des études ? Jamais je n'y ai pensé. A dire vrai, j'évitais pour ne pas me faire de mal. Je connais de loin les médecins. Ma mère était infirmière. J'ai toujours rêvé d'être aussi forte qu'elle. Je doute qu'en ayant le même travail, je réussisse à marcher dans ses pas. Pourtant, c'est-ce qu'elle aurait voulu que je fasse ; aider les gens.

"J'accepte avec plaisir."

***

    Je retrouve Moira dans ma chambre. Je sais qu'il se passe quelque chose d'anormal avant même de la voir. Elle est agitée et marche dans toute la pièce, les yeux rivés au sol. Elle grommelle d'incompréhensibles phrases. Je fronce les sourcils en lâchant tout ce que je tiens dans mes bras. Je me précipite vers elle et la prends par les épaules.

"J'étais dehors, sous forme de chat, et il s'est passé quelque chose. Je chassais dans la forêt à la limite du territoire des morphes quand quelqu'un est arrivé dans mon dos. C'était trop rapide ! Je n'ai rien vu, rien entendu, rien senti ! On m'a frappé à la tête et je me suis évanouie. Lorsque je me suis réveillée, j'étais sous forme humaine au même endroit. La seule chose qui avait changée c'est ça. -elle soulève son chemisier- Ça commence doucement à cicatriser mais ça me fait toujours mal."