BONUS 2

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    Les portes grandes ouvertes devant moi, je suis tout de même nerveuse. Le taxi repart, laissant derrière lui un nuage de fumée. Je devrais être habituée, depuis le temps que j'habite Paris. Pourtant, cette vie semble lointaine. Je me suis fabriquée une vie loin d'ici. Je l'ai fuie.

    Revenir ici était plus facile pour moi. Au moins, je serai de nouveau seule. Cela fait très longtemps que je ne me suis pas retrouvée en tête à tête avec moi-même. Je dois me recentrer sur ce que je ressens, sur ce que je suis et sur ce que ma mère aurait voulu que je sois. Une adulte responsable, réfléchie et aimante. Aujourd'hui, j'ai seulement l'impression d'être un corps. Je ne sais plus ce que je suis. Peut-être que Niko ressent lui aussi ce sentiment d'être à la dérive.

    J'entre dans le hall. Les dames d'accueil ne sont plus les mêmes. Elles me saluent, un sourire resplendissant accroché à leur visage. Je ne peux que hocher la tête, l'esprit ailleurs.

    Appelant l'ascenseur, j'attends fébrilement sur mes deux jambes. Le lien de meute ne cesse de me donner de maux de tête. C'est affreux. Je me remémore les mots avec lesquels Pol exprimait sa fragilité à rester aussi loin de sa meute. En quittant l'Irlande, je savais que ça n'allait pas être simple. Si seulement un membre m'avait suivi...

"Alpha ?"

    Une main s'accroche à mon long gilet. Me retournant aussi rapidement que mon état me le permet, mes yeux se posent sur Emy et Henry. Ne me dîtes pas qu'ils m'ont suivie ! J'en connais deux qui vont se faire remonter les bretelles par leurs parents !

    Les bras ballants, je pèse le pour et le contre sur le fait de leur tirer les oreilles ou de les embrasser. Je les prends finalement dans mes bras en les serrant de toutes mes forces. Au bout de quelques secondes, je les relâche et nous emmène dans l'ascenseur enfin arrivé.

"Qu'aviez-vous dans la tête ? Pourquoi êtes-vous ici ? Où sont vos parents ? dis-je d'une voix enrouée

- Nous vous avons vu partir. Et, comme vous avez notre allégeance, nous avons suivi notre Alpha ! Nos parents savent que nous sommes avec vous, ils vous font confiance. rit Henry en tapant dans ces mains

- Mais vous êtes fous ! Je n'ai jamais donné ma permission ! Emy, n'as-tu pas réussi à raisonner ton meilleur ami ?

- J'étais d'accord avec lui. Après tout, nous sommes de la meute, nous aussi.

- Des enfants ! Vous êtes des enfants ! Qui plus est biche et colibri !

- Nous commençons à nous changer en d'autres animaux que notre totem ! Nous réussissons déjà à avoir de petites griffes !"

    Je souris nerveusement à un vieil homme qui entre tout juste dans l'ascenseur et qui a dû entendre ses derniers mots. Nous gardons notre silence jusqu'à ce que les portes s'ouvrent sur mon étage. Poussant les enfants devant en quatrième vitesse, je les fais entrer dans mon ancien appartement. Heureusement que j'ai gardé la clef.

    L'endroit a de nouveau été aménagé. Il semble vide, prêt à être habité. Je regarde Emy et Henry. Âgés d'une petite dizaine d'années, les deux enfants sont amis depuis le berceau. Physiquement, ils sont l'exact opposés. Alors que Emy a les cheveux aussi sombres que la nuit, Henry les a clairs comme le jour. La petite a le tempérament d'une biche, calme et posée. Au contraire, Henry bouge dans tous les sens comme un colibri et ne s'arrête jamais.

    Leurs parents me tueront s'il leur arrive quelque chose. A ma décharge, c'est eux qui m'ont suivie ! Mais c'est en mon devoir de veiller sur eux comme si c'étaient les miens.

"Je n'étais jamais allé en ville, ni même aussi loin de mes parents. Je ne les entends même plus dans ma tête. Ça me fait un peu peur. Heureusement que vous et Emy êtes là, ça fait peut-être un peu moins mal." murmure le petit en s'avançant dans l'appartement

Différente : Déréliction [Fin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant