/79/ La solitude du junkie

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• Huit jours plus tard •

Bazile a pris son lundi. Cela faisait longtemps qu'elle voulait se faire un week-end rallongé. Mais aujourd'hui cela n'a strictement rien d'un air de vacances.

La jeune femme s'est faite avorter dans la matinée.
Elle appréhendait, pour la douleur principalement. Mais en fait cela s'est avéré être rapide, simple, sans douleur.
La femme qui s'est occupée d'elle a été adorable, et heureusement, car en réalité ce qui lui a fait le plus de mal c'était sa solitude. Être seule. Toujours seule.
Bazile aime la solitude; mais pour des choses plus importantes, lorsque n'importe qui aurait besoin de quelqu'un qui serre la main dans la sienne, c'est là qu'elle réalise que cette solitude apaisante est à double tranchant.

Dès qu'on l'a laissée sortir elle est directement rentrée chez elle. Toujours seule.
Beaucoup parlent de l'avortement comme un déchirement. Elle n'a rien ressentit de tel. Elle n'a pas versé une larme, elle a simplement laissé la médecine prendre le relai et voilà.
Les membres de sa famille, tous contre l'avortement, feraient sans doute une syncope s'ils apprenaient ce qu'elle a fait. « Un meurtre ». Ceci n'avait rien d'un meurtre. Mais même si la solitude fait mal, elle préfère ça à choisir d'expliquer son point de vu a des personnes si intolérantes. De toute façon même si elle débattait avec eux pendant des heures rien ne changerait. Parler à un mur serait plus productif...

En réalité non. Ce n'est pas sa solitude qui lui fait mal, mais le fait d'être sans lui.
Lui.
Il est au centre de tout. Au centre d'elle, au centre de son monde.
Il est son monde.

Après tout, une erreur faite à deux devrait se réparer à deux.
Mais si elle aime Orion plus que tout, il s'avère qu'il n'en reste pas moins un homme, avec ses failles.

Elle ne lui a pas parlé depuis huit jours, lorsqu'ils se sont mis d'accord sur le fait qu'elle devait avorter.

C'est vrai, elle lui en veut.
Quand elle y réfléchit en fait elle lui en veut pour beaucoup de choses...
Mais malgré tout, Bazile aime Orion. Et elle s'en veut de l'aimer autant alors qu'il y aurait tant de raisons qui devrait lui faire changer d'avis. Mais l'amour ne se contrôle pas et elle n'y peut rien.

A présent, elle veut le revoir, peu importe où, peu importe combien de temps, mais elle en a besoin. Elle veut se mettre dans ses bras, sentir son odeur, la chaleur de son corps et sa bouche contre la sienne. 

Bazile est une junkie. Orion est sa drogue. Et malgré tout le mal qui peut lui faire, se passer de lui est devenu trop dur. Sa dépendance est désormais trop importante...

Elle pourrait simplement lui envoyer un message, comme il lui avait dit de le faire, mais après réflexion elle décide de l'appeler, et tant pis si elle le dérange.

Il décroche à la sixième sonnerie.

-Allô?
-Orion...
-Alors, c'est fait?
-Oui.
-Bon. Tu vas bien?
-Oui. Mais... Orion... je veux te voir.
-Je comprends mais...

Elle le coupe:

-S'il te plaît Orion. J'en ai besoin tu comprends. Je veux te voir, je veux te parler, et pas juste à travers un téléphone. Tu ne peux pas me refuser ça, pas maintenant...
-... oui... Tu as raison. Il faut qu'on discute de beaucoup de choses. Face à face. Tu es chez toi?
-Oui, tu peux venir si tu veux.
-Bon. Je serai là dans une heure à peu près.
-D'accord. À tout à l'heure.

Ils raccrochent et Bazile ne peut s'empêcher de soupirer de soulagement. Elle ne saurait pas ce qu'elle aurait fait s'il avait dit non.
Orion quitte le jardin et retourne à l'intérieur où Béatrice est assise sur le canapé devant la télévision.

-Qui était-ce?
-Le boulot. Je suis désolé, je dois retourner au bureau pour l'après midi.
-Oh c'est dommage pour une fois que tu avais ta journée, tu allais enfin pouvoir souffler un peu.
-Oui je sais... mais bon, pas le choix.

Il prend son manteau, glisse son portable dans sa poche et s'apprête à sortir lorsque Béatrice se lève et le rattrape.

-Attends.

Il se retourne et elle se met sur la pointe des pieds pour l'embrasser tendrement sur la bouche:

-Je t'aime. Bon courage, à ce soir.
-Moi aussi ma chérie, je rentre le plus vite possible.

Bazile Where stories live. Discover now