VI 14 - Je ne voulais pas aller à l'école

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Elle marqua une pause, puis demanda :

« Quelqu'un a des questions ? »

Tandis que toutes les autres restaient sans réaction, je levai la main et la maîtresse m'interrogea :

« C'est intéressant, ce que vous dites mais ça ressemble à une leçon que vous nous apprenez...

- Oui.

- ... mais, au début, vous nous aviez dit que c'était un exercice de réflexion. Parmi les réponses qu'on vous a données à la question " Pourquoi on vient à l'école ? ", est-ce qu'il n'y en a pas d'autres qui ont été réfléchies, même si c'est pas par vous ? »

La tricheuse, qui savait parfaitement ce que je voulais dire, profita de l'occasion pour se racheter en glissant furtivement :

« Moi, j'ai juste répété ce que mon père m'a dit. C'était pas ça, ma réflexion. » 

La maîtresse coupa court en disant :

« C'est très bien, Caroline. C'était la réponse que j'attendais. »

se tournant vers la classe :

« on-vient-à-l'école-pour-préparer-son-avenir » ;

vers moi, dédaigneusement :

« C'était tout à l'heure qu'il fallait réfléchir. Ça y est, maintenant. On passe à autre chose. »

Elle bifurqua soudain sur un thème sans aucun rapport avec notre propos. Elle continua néanmoins à me traiter avec dédain. Toute la journée, elle ne cessa de me dénigrer. Toute la semaine, elle me rabaissa à chaque fois qu'elle en trouvait l'occasion... et même la semaine d'après... tout le temps. Elle était tout le temps méchante avec moi.

De son côté, la fille qui, le jour de la rentrée, avait truandé au lieu de réfléchir, était devenue la chouchoute de la maîtresse. Même pendant les récréations, la maîtresse du CE1, au lieu de rester avec celles des autres classes, passait son temps à discuter avec la chouchoute et sa copine.

Puis voilà qu'un beau jour, c'est avec moi qu'elle vint discuter à la récré.

Au début, je ne voulais pas lui parler : elle était trop méchante avec moi. Elle, elle n'arrêtait pas de me suivre partout dans la cour jusqu'à ce que j'acceptasse de parler avec elle.

Comme toujours, mon bon cœur eut raison de moi et j'acceptai de passer ma récréation avec cette maîtresse.

Pendant plusieurs récréations, elle vint discuter avec moi. C'est là qu'elle me dit, entre autre, que j'étais dans la marge et que c'était la meilleure place parce que, de là, je pouvais voir ce que les autres ne voyaient pas.

À ce qu'elle disait, maintenant que j'avais vu, il ne tenait qu'à moi de sortir de la marge et de me mêler à la masse. Ça non, alors ! Pas question. De toute façon, je n'avais aucune intention de m'éterniser à l'école ; je devais seulement y perdre mon temps jusqu'à ce que l'état comprît que ma place n'y était pas, que je n'avais rien à y faire et que je n'en voulais pas.

« Alors, où elle est, ta place ? »

me demanda la maîtresse.

Qu'est-ce que j'en savais, moi ?

C'est comme si des méchants kidnappeurs enlevaient un petit enfant et l'emportaient loin de sa famille. Au bout de longtemps - un an ; deux ans - s'ils lui demandaient où est sa famille, il serait incapable de répondre.

Alors eux, ils pourraient lui dire :

« Tu vois bien : t'as pas de famille »

et ils pourraient dire comme la maîtresse :

« Alors, où elle est, ta place ? »

C'est tout le temps comme ça que les adultes procèdent pour nous détourner de la vérité ; genre :

« Tu peux pas me contredire, c'est que j'ai raison. »

Ça se voit bien que cette raison des adultes, abondante et tapageuse, est au service du mensonge. Hélas pour l'enfant, la vérité reste muette.

Moi, quand j'allais à l'école, j'avais le sentiment d'être arrachée à ma vie. L'école me dépouillait de mes talents innés ; je le savais, même si elle me prenait aussi mes moyens de le prouver.

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