IX 13 - Ma chambre en tête

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Gloups ! À force de faire des dialogues en moi-même, voilà que j'y avais fait, involontairement, intervenir le monstre. C'était comme s'il s'était fait capturer par mon intelligence.

« Ah ? Tiens ! lui répondis-je, dans mon imagination. Ça vous arrangerait bien que je tourne la tête vers vous et que j'ouvre les yeux ? Eh ben , j'le f'rai pas.

- Tu as raison, ça ne servirait à rien : tes yeux ne peuvent pas me voir dans ta chambre puisque je n'y suis pas matériellement. Si tu veux me voir, tu dois me chercher là où je suis : dans tes pensées.

- J'veux pas vous voir. J'veux qu'vous fichiez l'camp. »

Bien envoyé... mais sans effet. L'ambiance du cauchemar restait dans ma chambre, longtemps après mon réveil.

« C'est pas normal.

- Dans ton rêve, pour le détourner de l'enfant vulnérable, tu as invité le monstre à te suivre et tu l'as entraîné avec toi.

- C'est ça qui lui a donné le pouvoir de rester dans ma chambre ?

- Tu as fait ce qu'il fallait.

- Oui, j'ai bien fait.

- Tâche, maintenant, de me localiser !

- Qu'est-ce que ça veut dire, localiser ?

- D'abord, concentre-toi sur ce sentiment d'une présence auprès de toi ! »

Étonnamment, quand cette idée me traversa l'esprit et que je la mis en pratique, ma peur s'atténua enfin.

« Maintenant, localise-moi ! Les yeux fermés, tâche de situer à quel endroit de ta chambre tu me perçois !

- J'dirais : derrière le secrétaire à Papa.

- Décris l'emplacement !

- Ben... là-bas.

- Ça veut rien dire, "là-bas". Fais–moi une description de l'endroit !

- Fff ! Le v'là qui s'remet à jouer les maîtresses. »

Alors, ma chambre avait quatre murs. Au milieu, un grand tapis était étalé sur le parquet. Mon lit était contre le mur de droite (à ma droite quand j'étais allongée sur le dos). Au bout de ce mur - au pied de mon lit - se trouvait la porte qui donnait sur le couloir. Ma tête de lit était contre le mur de derrière. Outre mon lit, le long de ce deuxième mur, on avait le poêle qui chauffait l'appartement et, tout au fond de la pièce, le secrétaire sur lequel mon père faisait ses papiers. Ensuite, le mur du fond - à ma gauche - avait une fenêtre dont les volets étaient fermés la nuit. Sous la fenêtre étaient alignés mes bâtiments de ferme (mes autres jouets étant rangés dans deux grands tiroirs sous mon lit). Le quatrième mur : une porte qui donnait sur la salle à manger, le piano de ma mère...

« Voilà, j'ai fini. Bonne nuit !

- Décris l'endroit où tu me situes !

- Ben... ça y est, c'est fait, j'chais pas dire mieux... dans l'angle, là-bas, caché derrière le secrétaire.

- Décris... »

Décris... décris... je n'arrêtais plus de me dire ça (la fatigue, sans doute). Je me fis une image mentale la plus précise possible du coin de la chambre, derrière le secrétaire, sans vraiment savoir si un monstre aurait eu la place de s'y cacher.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant