IX 3 - Le relais n'est pas rassuré

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Aujourd'hui, il venait de lui retirer le bandeau qu'il avait mis devant ses yeux depuis bien longtemps. Maintenant, elle s'en souvenait ; elle se souvenait de tout. Aujourd'hui, elle voyait tout le mal qu'elle avait fait tout au long de sa vie mais c'était trop tard. Elle ne pouvait plus rien changer. Elle lui appartenait - son âme lui appartenait - et elle n'avait plus qu'à attendre qu'il vînt la chercher.

Son seul espoir de salut tenait à ce qu'elle pût transmettre son message à quelqu'un dont l'âme était encore pure. Elle n'avait trouvé que moi. Elle me pria de bien vouloir accepter ce message, si tant est que je l'eusse trouvée gentille.

Comme je répondis : « d'accord », elle glissa dans ma main un rouleau de papier, dans mon oreille le mot courage et disparut. C'est à partir de là que le rêve se transforma en cauchemar.

Tout était calme, trop calme...

« Pourquoi " trop " calme ? ça veut rien dire " trop " calme. C'est normal que ça soit calme puisque chuis toute seule. Pourquoi j'ai peur d'être dans un cauchemar ? »

On aurait dit qu'il était là, quelque part, caché derrière un mur et qu'il allait surgir devant moi d'un moment à l'autre. On aurait dit qu'il avait le pouvoir de traverser les murs...

« Ça s'peut pas ! C'est mon rêve. C'est moi qu'imagine. »

Mais la peur était toujours là ! Peur de quoi ? Du monstre, pardi ! L'imagination s'en fiche de mes réflexions, le rêve suit son histoire. La raison ! Se raccrocher à la raison ! Vite !

« Qu'est-ce que je fais toute seule sur le palier du premier ? Il faut rentrer à la maison... Quoi encore ?... Ah ! oui : dans ma main, le paiement du loyer. Faut que je le porte à Papa et Maman. »

Dans la réalité et pour de vrai, c'était à mes parents que les locataires venaient régulièrement payer leurs loyers.

Voilà, c'était ça, la responsabilité trop lourde pour moi : le poids de l'immeuble que je sentais sur mes épaules. Je ne parle pas du poids des pierres de l'immeuble mais de sa responsabilité. Sensation étrange que j'éprouvais pour la première fois de ma vie. Sentiment de grandeur qui fit ma fierté un fragment de seconde, le temps que je réalisasse que cela impliquait que je devais combattre le monstre à l'approche pour protéger les locataires. Terreur !

« Papa ! Maman ! Au sec... ! T'es toute seule dans tes rêves. Gogole ! »

Vite ! Je montai l'escalier. Passant devant la porte de l'appartement de Pépère, je me mis à trembler de la tête aux pieds.

« Qu'est-ce que t'es faible ! »

me dis-je.

« Mais non, c'est pas ça... »

me répondis-je.

... mais Pépère était la dernière personne qu'il avait emportée, ce qui aurait pu vouloir dire que son appartement était le dernier endroit où il avait marché. N'était-ce pas son pas que j'entendais derrière la porte ? D'un instant à l'autre, il allait la traverser et surgir devant moi. Je n'aimais pas les cauchemars !

« Ça s'peut pas ! »

me dis-je pour en sortir.

Je n'avais plus que quelques enjambées à parcourir pour rentrer à la maison et me réfugier au milieu de mes parents. Je trouvai la porte de notre appartement entr'ouverte. Bizarre ! Maman la tenait tout le temps fermée, en principe, exprès pour empêcher les voleurs et les méchants d'entrer. Et là, justement maintenant...

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant