X 8 - Deux fois

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Puis vint la récréation suivante.

Tandis que nous marchions dans le rang pour aller dans la cour, mon regard fut attiré par la petite joue toute rose de Laurence, si jolie qu'au matin, je n'avais pas pu m'empêcher de la toucher. Quelle honte ! Moi, Angélique, caresser la joue d'une autre fille ? Non mais ça va pas ! Moi qui aimais tant les garçons ! Heureusement que je m'étais dit que je ne le ferais plus.

Oui, Laurence était peut-être jolie. Oui, elle était peut-être plus belle que moi. Oui, peut-être qu'un éventuel amoureux aurait pu m'abandonner pour aller poser sa main sur la joue de Laurence. Oui, j'étais peut-être jalouse.

Je n'avais pas voulu écouter ma jalousie lorsqu'il avait été question de transmettre à Laurence le message de l'amoureux. Et voilà que, désormais, cette jalousie terrée en moi se manifestait par le biais de ce même geste, me poussant à le refaire pour semer le trouble, pour tenter de détourner Laurence des garçons, pour la leur enlever. Quelle étrange vengeance !

On pourrait penser qu'au moins, une fois que j'avais décrypté le fond du problème, il était quasi résolu et que je n'allais plus me laisser tenter par ce désir stupide de caresser la joue de Laurence. Eh ben non ! Au contraire, il semblerait que quand on regarde le diable en face, il en profite pour accroître son pouvoir.

J'avais très envie de caresser la petite joue toute rose.

« Pourquoi le garçon aurait le droit et pas moi ? »

Réflexion crétine... mais je n'arrivais pas, vraiment pas à me défaire de cette obsession.

« Quelle importance ? Une caresse, c'est rien ; c'est juste gentil. Pourquoi en faire toute une histoire ? Vas-y ! donne-lui sa carresse ! Qu'on en finisse ! »

Harcelée par cette envie incongrue et par tous ces prétextes qui se bousculaient dans ma tête, je ne pus m'empêcher de tendre le bras et poser ma main sur la joue de Laurence.

« Arrête ! »

gémit-elle en rentrant la tête dans les épaules.

« Arrêêêteux ! »

répétai-je en moi-même, sur le ton de la moquerie.

Je me sentis sale et moche au fond de moi. À l'évidence, ce geste était assorti de sentiments mauvais, tout le contraire de ce dont une caresse est supposée être porteuse. J'avais honte. Je ne pouvais même plus me rassurer en me disant que je ne le ferais plus. Je ne me serais pas crue. Jusqu'où allais-je sombrer ?

La seule chose qui me rassurait un peu, c'est que, comme au matin, dès lors que j'avais donné une caresse à Laurence, une seule, je n'en éprouvais plus la moindre envie. Plus de harcèlement dans ma tête, son visage m'était redevenu totalement indifférent et je pus entrer dans la cour de récréation l'esprit léger. J'espérais que, cette fois, c'était pour de bon.

« J'le f'rai pus ! » 

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