VII 6 - Il s'appelle Camille

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Un peu, qu'elle s'en rappelait !

C'était quand j'étais en maternelle. Pendant une période, Nani n'arrêtait pas de me demander tout le temps, genre :

« Qui c'est, ton amoureux ? Chuis sûre que t'en as un. Allez ! Dis-moi comment y s'appelle ! »

Je ne comprenais pas du tout de quoi elle parlait. Alors, je lui demandais :

« Qu'est-ce que c'est, un amoureux ? »

Alors, elle me faisait une description, elle me disait des mots, des mots et encore des mots... mais je ne comprenais rien.

Et puis, comme c'était la fin de l'année scolaire, Nani avait des cours qui sautaient à cause de certaines classes de son lycée qui passaient des examens. Elle profita de son temps libre pour aller chercher sa petite Doudoune à l'école.

C'était un midi, à l'heure de la sortie. J'étais dans la classe, assise à ma place, j'attendais que ma mère vînt me chercher mais pas que ça.

La logique aurait voulu que, lorsqu'une mère entrait dans la classe, son enfant se levât immédiatement et la rejoignît. Il n'en était pas ainsi parce que la maîtresse voulait que nous obéissions à elle plus qu'à nos propres parents. Pour ce faire, elle exigeait que nous nous levassions et quittassions la classe non à l'arrivée des parents qui venaient nous chercher mais à l'appel de notre nom.

En d'autres termes, lorsqu'à l'heure convenue, ma mère entrait dans la classe pour me ramener à la maison, je devais rester assise sur ma chaise, sans bouger, et regarder ma pauvre maman comme une étrangère, sans répondre à son attente, comme si je n'avais pas le moindre respect à son égard ; jusqu'à ce que la maîtresse eût daigné prononcer mon prénom.

Quand j'étais en maternelle, je vis la maîtresse imposer cela à tous les enfants tous les jours de l'année.

Et puis, un beau midi de juin, alors que j'attendais que ma mère vînt me chercher, Nani entra dans la classe. J'en fus drôlement étonnée !

À ce moment-là, je perçus une soudaine agitation derrière moi. Je me retournai et vis le garçon aux cheveux blonds et bouclés gesticuler nerveusement sur sa chaise.

À ce moment-là, j'eus une illumination : c'était lui !

Tandis que je le dévisageais, une foule de souvenirs confus, datant de diverses périodes de l'année scolaire, me revinrent en mémoire. Un garçon aux cheveux blonds et bouclés était au centre de chacun de ces souvenirs. C'était lui !

Tandis que je le dévisageais et revoyais tous ces souvenirs, la description que Nani m'avait faite, ces derniers jours, de l'amoureux, me revenait à l'esprit et s'y imbriquait parfaitement. C'était lui !

Tandis que je le dévisageais, que je revoyais tous ces souvenirs et les comparais à la description de Nani, j'entendis la maîtresse appeler :

« Camille ! »

et le garçon aux cheveux blonds et bouclés bondit de sa chaise. C'était lui !

Quand Nani était entrée dans la classe, j'avais perçu une soudaine agitation derrière moi. Je m'étais retournée et j'avais vu le garçon aux cheveux blonds et bouclés gesticuler nerveusement. À l'appel de son prénom, il bondit de sa chaise, courut jusqu'à Nani et lui prit les mains. C'était lui que Nani était venue chercher ?!

C'était ma Nani à moi, en principe ! Devais-je rester assise là et regarder l'amoureux emporter ma Nani loin de moi ? L'angoisse m'envahit et les larmes me montèrent aux yeux.

Et puis, le garçon aux cheveux blonds et bouclés lâcha les mains de Nani et recula d'un pas, la regardant avec égarement. Il tourna son regard vers la dame qui était juste derrière ma Nani. À la manière dont ils se regardèrent, lui et la dame, je devinai que c'était sa mère. Lui, apparemment troublé, regarda tout à tour sa mère et Nani. Enfin, il donna la main à sa mère et s'en alla avec elle.

Pendant ce temps-là, la maîtresse lisait le papier que Nani lui avait donné. En fait, comme Nani était devant la mère du garçon, la maîtresse aurait dû m'appeler avant lui mais comme la maîtresse ne connaissait pas Nani, il fallait qu'elle lût la procuration pour savoir que c'était ma Nani à moi et que c'était moi qu'elle venait chercher. C'est pour ça qu'en attendant, elle avait appelé le garçon d'abord.

Je traversai la cour de récréation en tenant fièrement la main de ma Nani, sous un chaud soleil de juin. Nous atteignîmes le portail ; le garçon aux cheveux blonds et bouclés était à proximité, sur le trottoir. Il tenait la main de sa mère qui discutait avec une autre dame.

Passant à côté de lui, je le désignai du doigt et dis à Nani :

« Il s'appelle Camille »

afin qu'il sût qu'il existerait un petit peu dans les yeux de ma Nani.

Comment ça se fait que, quand Nani était entrée dans la classe, il avait cru qu'elle était là pour lui ? Mystère et boule de gomme ! En tout cas, Nani, ça l'avait marquée. Elle avait même dit que le jour où elle aurait un fils, elle l'appellerait Camille.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant