II 4 - Un tic nerveux

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Ma mère me demanda :

« Pourquoi tu fais ce geste ? »

Machinalement, pendant que je cherchais à me remémorer la signification du mot avortement, j'avais levé mon avant-bras gauche à l'horizontale, à hauteur de mon abdomen et, avec ma main droite, je le serrais, le lâchais, le resserrais et ainsi de suite.

« J'en sais rien, moi, pourquoi je fais ce geste. C'est un tic. »

Ah ! Ces tics !

La première fois que j'avais entendu parler de tics, c'était quand j'avais cinq ans. Il avait fallu que je portasse des lunettes mais c'était casse-pieds parce que ça glissait tout le temps sur le nez. Au début, j'eus tendance à froncer le nez pour essayer de les remonter sans avoir à porter la main au visage.

Ma mère me prévint :

« Ne fais pas ça ! Sinon, ça va devenir un tic. »

Effectivement, je constatai par la suite que la plupart des enfants qui portaient des lunettes avaient ce tic mais pas moi. J'étais bien contente d'avoir échappé à ça.

Hélas, à la place, j'eus plein d'autres tics ; des gestes apparemment inutiles que je faisais et répétais souvent malgré moi. C'était d'autant plus énervant que mon grand frère, qui était toujours le premier à s'en apercevoir, s'en servait tout le temps pour se moquer de moi. En plus, lui aussi, il avait plein de tics, alors... j'en avais marre, moi, à la fin !

Ma mère me dit un jour :

« C'est pas grave. C'est fréquent d'avoir des tics, quand on est enfant. Ça passera. Le mieux, c'est de t'en faire une raison. »

En fait, il s'avéra que lorsque je me laissais agacer par les moqueries de mon grand frère, je faisais de plus en plus ces gestes, par nervosité ; au contraire, si je décidais que je n'en avais rien à fiche, je parvenais à me contrôler et à faire disparaître ces tics... jusqu'à ce que d'autres réapparaissent. J'en pris mon parti.

Justement, donc, un nouveau tic était apparu et ce fut ma mère qui s'en rendit compte la première : je m'étais mise à serrer et desserrer mon avant-bras gauche avec ma main droite, sans raison apparente. Je ne pouvais pas m'en empêcher, c'était plus fort que moi.

Je levai le bras vers ma mère pour lui montrer mon nouveau tic. J'en rigolais mais même mon rire était nerveux, tandis que ma main droite s'abattait de plus en plus violemment sur mon avant-bras gauche, à m'en faire mal.

Ma mère regarda d'un air effaré et s'écria :

« Y aura pas d'avortement ! Pas pour toi ! Tu supporterais pas. Heureusement qu'on en a parlé longtemps à l'avance. Faut pas que tu vives ça. Maintenant, je le sais et je saurai reconnaître le danger s'il s'approche de toi. Je te protégerai. »

Ce problème d'avortement qui semblait si fortement préoccuper ma mère me paraissait très lointain. J'avais d'autres problèmes qui me rendaient la vie bien amère et face auxquels je me sentais bien seule... Je ne sais pas pourquoi les adultes s'intéressent tant à l'avenir et si peu au présent.

« Heureusement qu'on en a parlé longtemps à l'avance » avait dit ma mère. Suivant ce raisonnement, je demandai :

« Si je t'avais fait la description de l'école longtemps avant de découvrir que ça existe pour de vrai, tu ne m'obligerais pas à y aller ? »

DATE ET LIEU DE NAISSANCEWhere stories live. Discover now