IX 16 - Remise en ordre

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Quand ma mère me réveilla pour l'école et ouvrit les volets, je regardai, au pied de mon lit, ce que c'était qui avait la forme d'une silhouette (parce que, mine de rien, ça m'avait pas mal tracassé) : c'étaient mes vêtements que ma mère avait posés sur mon cartable la veille au soir. Puis, je regardai, au fond de la chambre, ce qui m'avait donné l'impression de voir un homme sur la chaise... il n'y avait même pas de chaise, au fond de la chambre ; rien du tout. Alors, je me levai, sortis dans le couloir et levai les yeux sur le carillon qui était accroché au mur. Il me joua sa mélodie ; ce qui fit dire à ma mère :

« Tu vois : t'es pas en avance. Dépêche-toi ! »

et ce qui me fit lui répondre :

« Pourquoi y sonne pile au moment où j'le r'garde ? Y s'fiche de moi ? »

et tout redevint normal.

Maintenant, si tu veux revoir ce monsieur, qui m'apparut assis à l'américaine au fond de ma chambre, et en savoir un peu plus sur lui, tu vas devoir à nouveau me suivre dans mes rêves nocturnes, étant donné qu'il ne vint plus jamais dans ma chambre en tant que présence fantomatique.

Une nuit, j'étais endormie et je rêvais librement que j'étais en train de jouer à je ne sais quoi. Depuis ma naissance et jusqu'à ce que j'allasse à l'école, j'avais toujours passé tout mon temps éveillée à jouer librement à je ne sais quoi et tout mon temps endormie à rêver librement que je jouais à je ne sais quoi. Depuis que j'allais à l'école, je perdais peu à peu le sens du jeu, au fur et à mesure que le travail me prenait mon temps que je passais éveillée. Par contre, le temps que je passais endormie, je le passais encore à rêver librement que je jouais, sans que rien ni personne n'y eût jamais fait obstacle.

Cette nuit-là, donc, je rêvais que je m'amusais tranquillement, seule, assise par terre, quand l'homme au costume bleu-gris de ma vision traversa ma cour en marchant et vint jusqu'à moi. L'ayant reconnu, je me levai précipitamment devant lui et réitérai ma question :

« Vous êtes mon ami ? »

mais il me répondit d'un ton sec et détaché :

« Non, je ne suis l'ami de personne. Je ne connais pas l'amitié. »

Croyant qu'il me faisait marcher et voulant montrer que je n'étais pas dupe :

« Mais si, en vrai : tout le monde connaît l'amitié puisque c'est un sentiment qu'on a dans le cœur.

- Peut-être, je ne sais pas. Je ne crois pas en l'amitié. Je me contente de faire mon travail. »

Quelle tristesse !

DATE ET LIEU DE NAISSANCEWhere stories live. Discover now