VIII 13 - Le nuage à la rescousse

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Le lendemain soir, j'allai me coucher dans mon lit qui était dans ma chambre. L'idée de Nani me paraissait un jeu amusant.

Une fois couchée, les yeux fermés, j'imaginai le décor ; j'imaginai que j'y étais et que je me transportais dans ce fameux nuage, là-haut, entre le gymnase et le donjon (si tant est qu'il y eût un donjon dans l'école des garçons). J'imaginai vaguement que j'y vis les filles de Courbevoie et que je leur dis :

« Il faut enlever la phrase : "tue le singe". »

C'était un peu succinct. Après avoir laissé vadrouillé mes pensées sur deux ou trois idées quelconques qui me passaient par la tête, je recommençai à imaginer l'histoire - à partir du moment où je montais dans le nuage - un peu plus précisément pour essayer de m'en convaincre (pour de faux : c'est un jeu d'enfant).

Il en fut ainsi plusieurs fois, jusqu'à ce que je glissasse dans un demi-sommeil. À partir de là, mon imagination devint plus riche. Aux détails que je construisais mentalement s'en ajoutèrent spontanément d'autres que ma volonté n'avait pas conçus. Je me laissai prendre au jeu de cette interaction conscient-subconscient.

Arrivant dans le nuage, je trouvai les filles endormies, inattentives. Je les secouai un peu et ça les fit râler. Alors, j'expliquai que c'était Nani qui m'avait envoyée parce qu'elle n'aimait pas la phrase : « tue le singe » et qu'elle voulait qu'on la changeât.

« Tue le singe ? »

répétèrent-elles en émergeant.

En fait, si elles n'avaient jamais réagi à cette phrase, c'est parce qu'elles ne l'avaient pas entendue ou qu'elles n'y avaient pas fait gaffe. D'autres avaient entendu mais - comme les premières, autour, ne réagissaient pas - elles s'étaient dit que ça ne devait pas être bien grave.

En y réfléchissant, les filles trouvèrent que si, c'était grave et qu'il fallait changer le scénario. Une fille proposa une phrase qui me parut débile mais je n'avais pas la loi : ce n'était même pas moi qui avais réagi à la phrase « tue le singe », j'avais seulement été envoyée.

« Alors !... »

dirent des filles.

Ce n'était pas le moment de se chamailler. Il fallait nous unir, unir nos pouvoirs. Certaines filles parlèrent même d'appeler les maîtresses à la rescousse. Cela ne me parut pas une bonne idée.

Un brouhaha se fit entendre derrière les filles. C'étaient des grandes de Courbevoie, des grandes sœurs qui venaient se joindre à nous. Du coup, je voulus voir Nani, voir si c'était possible qu'elle fût dans mon rêve pour de vrai...

Je rêvai que j'étais debout, les pieds par terre mais on aurait dit que le nuage était descendu avec moi sur le sol. Je n'y voyais rien, hormis une silhouette qui avançait dans le brouillard.

L'image du monstre aux trois apparences devint plus distincte au fur et à mesure qu'il approchait. Il marchait à ma rencontre, d'un pas normal et calme, n'inspirant aucune méfiance. Néanmoins, je l'observais bien attentivement, les bras croisés, sans perdre mon sang-froid.

Je vis se dessiner sur son doux visage un petit sourire en coin. Cela voulait dire qu'il s'entendait avec son singe pour me sauter dessus comme un sauvage.

Avant qu'il n'eût le temps de bondir, je pointai vers lui un doigt accusateur et feignis la sévérité en clamant :

« Les animaux domestiques sont interdits à l'école ! »

DATE ET LIEU DE NAISSANCEWhere stories live. Discover now