III 9 - Lueur d'espoir

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Quelle mouche avait donc piqué ma mère ? Ma question avait été parfaitement logique. Où était le problème ? Pourquoi détournait-elle la conversation sur les hommes et leurs habits ? Que devais-je comprendre qu'il ne convenait pas de dire à ce point ?

Fallait-il manger un vieillard mourant pour que le ventre le transformât en nouveau bébé ? Ça pouvait expliquer pourquoi on me forçait tous les soirs à manger de la soupe dégoûtante : pour m'entraîner.

Je n'avais pas envie de croire à cette hypothèse mais il fallait que j'en eusse le cœur net. Puisque ma mère ne voulait plus rien me dire, j'allai voir ma grande sœur.

Je fus reçue par une réaction genre :

« Si Maman considère qu'elle t'en a dit suffisamment, c'est pas à moi de t'en dire plus. »

mais lorsque je lui fis part de ma théorie de la réincarnation par caducophagie, elle s'empressa de la démentir.

« Pourquoi tu penses à des choses aussi moches ? Faire un bébé, c'est beau ; tu dois imaginer quelque chose de beau.

- Alors, pourquoi Maman veut pas me le dire.

- Par pudeur.

- Justement, la pudeur, c'est fait pour cacher ce qui est moche, ce dont on doit avoir honte »...

Tel fut le point de départ d'une discussion à l'issue de laquelle je sus que, pour faire un bébé, il fallait être un homme et une femme et s'aimer très fort. Si je voulais plus de détails, il fallait que je me débrouillasse avec mon imagination.

Un moment, j'eus comme un flash ; je cru comprendre que... mais cela me parut impossible parce que, dans le corps, ça va toujours dans le sens de la descente. De toute façon, il fallait vite que je détournasse mon regard de cette image mentale pour ne pas voir ce que Maman m'avait défendu de voir.

Finalement, il en ressortit que du sentiment d'amour partagé émane une énergie qui se condense en boule dans le ventre de la mère et se transforme en bébé ; tout comme l'air qu'on respire se transforme en sang (ça, c'est mon grand frère qui me l'a dit.)

Les années passèrent. Arrivée à l'âge de neuf ans, je n'en savais pas plus.

Je n'avais qu'un mot d'ordre : l'amour ! Cultiver l'amour ! Obéir à l'amour !

À quiconque parvient à atteindre le grand amour, Dieu fait le don d'un enfant. Dès lors, on entre dans la sphère des adultes et on n'a plus d'ordre à recevoir de qui que ce soit.

C'est tout ce que je savais.

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