IX 20 - Monsieur le Directeur

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C'était souvent, la nuit, que je rêvais de Monsieur le Directeur. Il était gentil mais il était obnubilé par ses histoires de loups. C'était lassant.

À chaque fois que je le rencontrais dans mes rêves, il me demandait qui j'étais. Alors moi, à chaque fois, je lui répondais :

« Chuis Angélique. »

Ça l'exaspérait. À chaque fois, il me disait :

« Je te dis toujours que tu dois répondre : "je suis la chèvre rousse".

- Mais vous me dites toujours que je dois dire la vérité. La vérité, c'est que chuis Angélique et que chuis châtain. Vous voyez bien qu'chuis pas rousse.

- Tu comprends vraiment rien. Les symboles ! Il faut interpréter les symboles.

- Mais oui, j'comprends mais j'en ai marre, à la fin. J'veux jouer à aut'chose, maintenant.

- C'est un travail ! »

Ce qui est bien, quand on dort, c'est de se rappeler qu'on est dans un rêve et que, par conséquent, on a tous les droits. On est libre. M'en rappelant, je tournai les talons et me dirigeai vers la porte de sortie pour partir vers de nouvelles aventures.

« Où tu vas, comme ça ? me demanda Monsieur le Directeur.

- Ben, ça s'voit pas ? J'm'en vais. »

Alors que j'étais sur le point d'ouvrir la porte, son bras gauche s'étendit jusqu'à moi, il m'attrapa par les vêtements, me ramena près de lui et me dit :

« Dehors, il y a le loup.

- Ben alors, quand est-ce que je pourrai partir ?

- Quand tu auras fini ton travail... Tient ! à propos : tu sais lire et écrire, tu as dit ? Alors, remplis-moi ce formulaire ! »

Il me fit asseoir devant un bureau, sur lequel il posa une feuille et un stylo. Bizarre ! Quelques phrases étaient commencées et il fallait les compléter.

« Tu peux écrire tout ce que tu veux, tout ce qui te passe par la tête, à condition que ce soit cohérent.

- Fastoche !

- Et surtout, prends-les bien dans l'ordre ! »

Je posai mes yeux sur la feuille et y vis des écritures, comme dans la réalité ; de vraies écritures déchiffrables. Bizarre ! Bizarre !

La première phrase était déjà remplie, à titre d'exemple et je pus lire :

C'est moi qui doit gagner, sinon...

-> C'est moi qui doit gagner, sinon... ça s'peut pas.

Oui, oui, avec l'apostrophe. C'était mon cauchemar que j'étais en train de lire dans un rêve. Bizarre autant qu'étrange !

Monsieur le Directeur me donnait-il cette lecture pour me rappeler son importance ? Je me souvins, en effet, qu'au début de mon cauchemar, je n'avais pas arrêté de me répéter : « ça s'peut pas ; ça s'peut pas ». C'était très intelligent de ma part de m'être dit ça pour me donner la force mentale d'empêcher l'apparition de choses affreuses et irréelles. Cependant, quand il ajouta ses mots devant les miens, Monsieur le Directeur me donna une force bien supérieure.

Ça me faisait le même effet que l'école qui transformait en ciment le petit sable de mon être et moi, pendant ce temps-là, je m'édifiais solidement.

Je levai le doigt et attendis d'être interrogée.

Quand Monsieur le Directeur me vit, il me dit sèchement :

« Qu'est-ce que tu fais comme ça ? On n'est pas à l'école. Si t'as quelque chose à dire, tu le dis. »

Je pointai mon doigt sous la phrase et ouvris la bouche pour parler mais il m'interrompit d'un ton sec :

« Qu'est-ce qu'y y a ? C'est pas ta réponse ?

- Ben si, ...

- Alors, il n'y a pas d'erreur : ce formulaire est bien le tien. Maintenant, on a assez perdu de temps avec ça. Dépêche-toi de le remplir ! On va pas y passer la journée.

- On est la nuit ! »

DATE ET LIEU DE NAISSANCEWhere stories live. Discover now