VII 14 - Le bout du tunnel

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Il faut reconnaître qu'à l'école, il y a quand même quelque chose de bien : c'est quand ça s'arrête. Ça s'appelle les vacances.

Avant, c'était souvent que je posais la question :

« Quand est-ce qu'on est en vacances ? »

si bien que ma grande sœur avait fini par confectionner un calendrier – à la manière du calendrier de l'avant – sur lequel, chaque soir, je rayais la journée écoulée et comptais celles qui restaient à tirer.

Dès la rentrée, je réclamais mon calendrier mais ma mère permettait que je ne l'eusse qu'un mois avant les vacances. Cela m'obligeait donc à traverser de longues périodes sans voir le bout du tunnel. Alors, de temps en temps, je posais la question :

« Quand est-ce qu'on est en vacances ? »

À partir de la rentrée du CE2, mon leitmotiv se modifia et devint :

« Quand est-ce qu'on va en vacances à Cesson ? »

question qui restait tout le temps sans réponse ; du moins, sans réponse satisfaisante.

Des réponses, ça, oui, ma mère m'en donnait, et même des réponses qui évoluaient avec le temps ; genre :

« Ha ! Ha ! Ha ! On en vient ! » ;

et puis :

« Oh, mais arrête un peu de penser aux vacances ! L'école a repris, maintenant. Il faut te concentrer sur tes études. » ;

et puis aussi :

« Tu verras bien. » ;

et puis encore :

« J'en sais rien. On n'a rien prévu pour l'instant. » ;

et même :

« Encore ! Ça fait trois fois que tu poses la question, aujourd'hui. » ;

mais soudain :

« Ça suffit avec ça ! Si tu me demandes encore une fois quand est-ce qu'on va à Cesson, je te fiche une gifle.

- Pardon. J'm'étais pas rendu compte. J'étais dans mes pensées. »

répondis-je.

Sur ce, j'allai me laver les mains parce que c'était l'heure de passer à table. Tout en frottant mes mains sous le robinet, je repartis dans mes rêveries. C'est ainsi que, sans m'en rendre compte, je murmurai :

« Quand est-ce qu'on va en vacances à Cesson ? »

J'entendis la voix ferme de ma mère juste à côté de moi et je sursautai, de peur de prendre une baffe ; avant de réaliser qu'elle venait de dire :

« À Pâques. »

Alors là, je n'y comprenais plus rien mais elle expliqua :

« Regarde-toi ! T'as une petite mine toute blême, toute triste. On va partir en vacances. L'air de Cesson te fera du bien. J'en parlerai ce soir à Papa. »

Les vacances de Pâques débutèrent un samedi midi. Le samedi après-midi, mes parents et moi-même allâmes... à l'école. C'est parce qu'une kermesse y était organisée, dont le produit était destiné à contribuer au financement d'un voyage d'une classe de l'école. (Bon, je te passe la polémique qui eut lieu autour du travail qu'on nous a forcé à faire, en classe, pour en vendre le fruit à nos parents...)

L'essentiel, c'était que je fusse en vacances.

Bref, ce samedi après-midi, me voilà à la kermesse de l'école avec mes parents. Nous montâmes l'escalier et longeâmes le couloir, bordé de stands pour l'occasion. Au bout du couloir, il y avait une fenêtre. Devant la fenêtre, il y avait une fille de ma classe. Quand elle me vit, elle sauta de joie et me dit bonjour avec un large sourire.

Voilà qui était très inhabituel ! En principe, à l'école, personne ne me réservait jamais un accueil chaleureux ; personne ne me souriait jamais ; personne ne se réjouissait jamais de me voir.

Je lui retournai son bonjour, par politesse, un peu ahurie. Derrière elle, la fenêtre laissa passer un rayon de soleil printanier.

Après la kermesse, en voiture ! Destination Cesson. Ouf !

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant