IX 7 - Le spectateur de la montagne

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Et puis, je me dis que puisque c'était un rêve et qu'on est tout seul dans ses rêves, il n'y avait pas de monstre, pour de vrai ; qu'il n'y avait rien du tout et qu'il suffisait que je m'en convainquisse pour que le cauchemar s'effaçât.

« Feinte classique mais inefficace, répondit le monstre. Tu n'es pas seule " dans " tes rêves, tu es seule " avec " tes rêves. Réfléchis ! »

Quoi ? Mais quand est-ce qu'il allait s'arrêter, ce cauchemar ! Et je courais, courais...

Je me remémorai l'air perplexe de ma mère et de ma grande sœur quand - dans la réalité - je leur avais demandé à quoi ça sert, dans la mesure où on est tout seul dans ses rêves, d'y appeler au secours. Parce que, ma mère et ma grande sœur, elles m'avaient raconté que, aussi bien l'une que l'autre, dans leur cauchemar d'enfance, se voyant poursuivies par le monstre dans les sables mouvants, elles avaient voulu appeler au secours mais aucun son n'avait pu sortir de leur gorge.

Moi, c'est marrant, mais depuis le temps que le monstre me poursuivait, ça ne m'était même pas venu à l'esprit d'essayer de crier au secours. Il faut dire que ça ne servait à rien, puisque, dans ce cauchemar, j'étais la dernière survivante de l'immeuble. Néanmoins, il me semblait que, moi, ma gorge n'était pas plus prisonnière que mes pieds et que si je voulais crier au secours, le monstre ne pourrait pas m'en empêcher.

Du coup, j'ouvris la bouche et émis un éclatant :

« Au secours ! »

En réponse, un garçon apparut de derrière la chaîne de montagnes qui est située du côté où le soleil se lève... à moins que ce ne soit du côté où le soleil se couche... ou peut-être ni l'un ni l'autre... je n'en savais rien, moi ! J'étais nulle en géographie, de toute façon.

Non, je dis ça parce que je vis la tête du garçon s'élever au-dessus des montagnes. En plus, avec ses boucles blondes, on aurait dit le soleil qui poignait. En fait, la chaîne de montagnes, je la vis sur ma gauche, dans la continuité des gradins.

Qu'est-ce qu'il faisait dans mon rêve, celui-là ? Il n'était ni un membre de ma famille ni un locataire de l'immeuble. Qu'avait-il à voir avec mon appel au secours ?

Quand il vit le tableau, le garçon en fut effrayé et me cria :

« Le laisse pas t'attraper ! Après toi, ce sera mon tour. »

J'accélérai donc, forte de ce nouveau soutien. J'accélérai, donc, pour moi, pour...

« Qui es-tu ? »

demandai-je.

Le garçon me répondit d'un hochement de tête, signifiant qu'il ne savait pas plus que moi quel lien nous unissait ; pourquoi mon appel au secours l'avait atteint ; pourquoi il surgissait en spectateur de mon cauchemar ; pourquoi il était celui qui me suivait sur la liste des victimes du monstre, ce qui faisait de moi son bouclier et de lui mon supporter. Qui était-il vis-à-vis de moi, ce garçon inconnu qui vivait de l'autre côté de la montagne ?

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