Soixante-troisième Chapitre.

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[Dimanche 5 mars. Après de longs efforts, Heaven est parvenue à atteindre la limite du dôme. Faisant appel instinctivement aux pouvoirs de sa mère, le feu s'est déversé devant elle. Alors qu'elle se sentait enfin franchir la barrière, elle s'est sentie atterrir à un autre endroit.]

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Je me retourne brutalement et me retrouve à quatre pattes, fixant tant bien que mal le sol qui devient de plus en plus nettes sous mes mains. Des galets. De la mousse. Absolument pas de l'herbe.

Je suis incapable de bouger, haletante, toussant du sang et de la cendre. Je porte une main tremblante à mon cou, la gorge en feu. Je peine à respirer et sens mes genoux flageoler contre le froid des pierres. Où est-ce que je suis, bon sang ? Pas les limbes. Impossible, je sens le soleil dans mon dos.

Mes membres sont lourds, engourdis, et aucun muscle ne me répond. Je frissonne de tout mon long comme si j'avais plongé dans un lac glacé.

Un lac.

Je tourne lentement la tête, et je me vois. Je vois mon reflet dans l'eau. Un immense lac s'étend sous mes yeux. Je suis effondrée sur la berge, mais je suis sèche. Le suis-je vraiment ?

Mon cerveau peine à fonctionner, mon crâne si lourd qu'ouvrir les yeux déclenche d'affreux vertiges dans tout mon corps. Je me maudis, incapable de faire un seul mouvement sans risquer de m'effondrer.

J'entends du bruit et mon corps réagit à ma place, me faisant bondir. Je porte la main à ma ceinture par réflexe mais ma dague n'est plus là. Merde. À peine ai-je relevé la tête que le vertige me reprend et mes jambes me lâchent. J'atterris sur les fesses, me reposant difficilement sur mes bras tremblotants. Je n'ai plus aucune force. Que je sois en vie est déjà un miracle. Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

Je regarde tout autour de moi, essayant de discerner d'éventuelles silhouettes d'animaux entre les arbres qui entourent le lac, voulant me rassurer à tout prix. Je ne reconnais rien, et je n'entends plus aucun bruit. Je lève les yeux vers le ciel et essaie de comprendre. Alors, j'aperçois au loin, dans la brume d'un nuage, un des pics du château. Loin. Bien trop loin.

Je me suis téléportée.

Je n'ai absolument pas traversé le dôme, et ce n'est pas le roi qui m'a envoyé là.

Je me suis téléportée.

Je déglutis, mon cœur se remettant à s'emballer dans ma poitrine, les sensations remontant enfin le long de mes membres. Mon cerveau semble lutter pour se remettre en route mais je sens l'oxygène lui revenir, ma vision devenir plus nette, mes pensées plus claires.

Je me redresse avec précaution, vacillant quand je me remets debout.

Je tente de me souvenir des dernières minutes, de ce basculement en moi au moment où j'ai senti le dôme céder.

Ma mère. Je porte une main à ma bouche, puis à ma poitrine, observant ma cuirasse comme si elle détenait les réponses. Ma mère avait raison. Je l'ai appelée. Et j'ai appelé son pouvoir. Elle m'a donné son feu. Depuis le château, depuis des kilomètres, le dôme nous séparant l'une de l'autre, elle m'a transmis sa magie.

Teresa. Maman. Réponds moi, commencé-je alors à réciter en fermant les yeux. Je me concentre, je l'appelle comme j'ai eu l'habitude de le faire lorsqu'elle était dans les limbes. Comme je l'ai fait tout à l'heure, quand tout dans mon être était ouvert à elle. Quand nos âmes se sont liées et qu'aucune de nous n'a pu l'expliquer.

Mais aucune réponse. Aucune sensation. Dans mon cœur, aucune chaleur. Je grimace de frustration. Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé, ce que j'ai bien pu faire pour me retrouver là. On ne peut pas se téléporter sur Érédia. Ça n'a aucun sens, les Bannis ont dû subir un énième sort de magie noire pour y parvenir. Je ne suis même pas encore capable de me téléporter avec mon pendentif pour aller sur Terre.

Différente - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant