Quarantième Chapitre.

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[Jeudi 2 mars. Après un moment avec Joyce pour calmer sa nervosité, Heaven s'est rendue seule au château pour voir le roi et se préparer à son discours.]

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J'entends déjà le brouhaha de la foule qui entre peu à peu dans le château. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine alors que je marche sans but dans la salle du trône. Celle-ci a fermé ses portes exceptionnellement afin de mieux organiser l'arrivée des gens et me laisser un temps de préparation. Le roi est près de la grande double porte, conversant posément avec des gardes.

— Elijah, l'interpelle soudain Stefen en entrant dans la pièce par une porte annexe.

L'intéressé se retourne et coupe sa discussion pour rejoindre son conseiller, qui pince les lèvres, prenant sûrement conscience qu'il a appelé le roi par son prénom devant des servants. Je m'arrête pour les observer, à quelques mètres d'eux. Ils commencent à parler à voix basse alors je ne perçois que quelques bribes de conversation.

— ... amis... mais elle doit être prête... retard...

Le roi se tourne vers moi et me fait signe de les rejoindre. Je m'exécute et il m'indique en quelques mots que je dois les suivre car ils vont ouvrir les portes de la salle de trône. La gorge encore plus nouée, je ne me fais pas prier et leur emboîte le pas hors de la pièce. Le roi et Stefen me font alors passer dans un couloir étroit, vitré par endroit. J'entends le murmure agité de la foule se rapprocher et sens une vague de panique remonter en moi.

Je finis par entrer avec eux dans une antichambre aux allures luxueuses, où pendent des lustres brillants et trônent quelques fauteuils, près de plusieurs portes devant mener à des bureaux ou des salons.

Je lance un regard interloqué aux deux hommes qui s'adressent rapidement à moi :

— Faites vite, me prie le roi. Les gens seront bientôt tous là.

— Faire vite quoi ?

Mais l'ouverture d'une autre porte répond à ma question, et je n'ai pas le temps de remercier le roi qu'il a déjà disparu, pressé. Mon angoisse s'épaissit. C'est bientôt le moment.

M'accordant un peu de détente, je me tourne avec soulagement vers mes amis entrant dans la pièce avec entrain. Zac, Joyce et Jake bien sûr, mais je suis ravie de les voir suivis de Thaniel, Tyssia, Kaleb, puis Isis. En songeant à la meilleure amie de cette dernière, Angie, qui aurait dû être à leurs côtés, mon cœur se serre. Mais mon malaise se dissipe en revoyant tous ces visages familiers et rassurants, que j'approche en sentant ma poitrine se gonfler d'affection. Je ne suis pas si surprise de ne pas voir ma mère à leurs côtés, alors je préfère ne pas y penser.

C'est d'abord vers Thaniel que je vais, le serrant dans mes bras sans préambule. Il répond à mon étreinte et je suis prise d'un profond soulagement. Nous en avons fait, du chemin. Et le voir aujourd'hui près de ceux qu'il a autrefois trahis me rassure plus qu'autre chose.

En me détachant de lui, je souris et plante mon regard dans ses yeux jaunes pleins d'émotion. On ne se dit rien, mais on se comprend. Je jette un coup d'oeil à Stefen, resté en retrait pour m'attendre. Il m'adresse un signe de tête cordial, auquel je réponds d'un léger sourire. Je sais qu'il patiente parce que dans quelques minutes, je vais devoir traverser toute l'assemblée sous sa surveillance. « C'est la tradition » a dit le roi.

Je salue Tyssia, Kaleb et Isis avec un sourire sincère et des accolades familières. Même Isis, que j'aurais cru la plus réticente, m'accueille avec sympathie.

— J'avais deviné, commente Tyssia avec un clin d'oeil.

Je ne réponds rien mais acquiesce en souriant. Elle avait en effet très bien compris que j'étais une Silencieuse de Sang Pur avec Kaleb, et j'avais été si prise de court que je n'avais rien trouvé à répondre.
Je m'écarte d'eux et pousse un long soupir, le cœur allégé. Je vois très bien que leur attitude est différente. Qu'ils restent alarmés, prêts à bondir, mais aussi qu'ils partagent une même cohésion, nouvelle, touchante. Je vois bien que leurs visages sont tous marqués par les mêmes événements, les mêmes pertes. Ils ont été rapprochés par la guerre, et j'espère qu'ils m'accepteront auprès d'eux à présent.

Différente - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant