Cinquante-et-unième Chapitre.

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[Samedi 4 mars. Jake et Heaven se sont rendus au château pour voir Joyce et Thaniel. Heaven a parlé avec ce dernier, puis a rejoint Jake et Zac dans la chambre de Joyce endormie. Jake parti, elle a pu discuter avec Zac, qui s'est confié sur son état d'âme et sur sa relation avec Joyce.]

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Lorsque Stefen me laisse devant les appartements du roi, je ne lui rends pas le sourire qu'il m'accorde avant de partir. Je reste immobile devant la porte à deux battants, les poings serrés. Je ne ressens pas d'angoisse, mais une sorte d'irritation, un énervement sourd qui ne s'exprimera probablement pas.

Après avoir frappé, n'obtenant pas de réponse, je décide d'entrer dans la pièce avec hésitation. Je suis tout de suite perturbée par la pénombre, et ose à peine respirer après avoir refermé la porte derrière moi. J'y reste adossée, la main sur la poignée, et lève la tête. Je reconnais alors enfin la silhouette du roi, posté près de son balcon face à la seule fenêtre ouverte de la pièce, laissant entrer une lumière plus faible qu'elle ne devrait.

— Vous avez demandé à me voir ? fais-je nonchalamment.

Mais j'abandonne cette attitude la seconde d'après, où je prends conscience du silence et de l'atmosphère de la pièce. L'immobilité du roi n'est pas le seul élément troublant. L'air semble manquer, semble s'être arrêté de circuler librement, n'agitant aucun rideau sombre ni aucun de mes cheveux. Il alourdit mon crâne, semble se cristalliser autour de ma peau sans jamais la frôler, et parvient difficilement à mes poumons. Je décrispe les mains de la poignée de porte pour m'avancer, et la pression dans ma poitrine que j'ai ressentie en passant le bouclier du château ressurgit, manquant de m'arracher un hoquet de surprise. Je fronce les sourcils et fixe le roi.

— Qu'est-ce que vous...

Ma voix s'éteint à l'instant où il fait un pas en arrière et incline la tête vers moi. Je le dévisage sans parvenir à masquer mon trouble.

Ses cheveux sont blancs. Aussi blancs que ses yeux, qui eux, brillent plus que jamais, semblant être deux éclats de givre. Sa peau elle aussi paraît plus pâle et, alors qu'il se tourne vers moi et que son bras en verre se découvre, je vois son visage s'animer d'une lueur argentée, apparaissant sous sa peau avant de disparaître. Comme s'il brillait de l'intérieur, comme s'il était transparent le temps d'une seconde.

Il relève le menton, et ainsi, le filet de lumière de la fenêtre le blanchit encore plus. Un instant, il ne semble être plus qu'un spectre aux yeux perçants.

— Qu'est-ce que vous avez fait ?

Il pince les lèvres, et passe la main sur le haut de ses cheveux.

— Ce qui était nécessaire.

Je soutiens son regard, et, sans mot dire, il me fait signe d'approcher. En m'exécutant, je sens mon souffle se bloquer dans ma gorge. Je réalise à ce moment que la sensation d'étouffement que je ressens est de son oeuvre. Si l'air a disparu autour de moi, c'est parce qu'il le contient tout entier. Parce qu'il s'est enfermé et a entretenu sa puissance dans le noir. Parce qu'il a laissé le Sylphe en lui ressortir, et s'est uni à l'air lui-même. Ce que j'ai vu tressaillir sous sa peau, c'est la créature qu'il est réellement. C'est celle qui, quand mes veines brillent, veut se matérialiser en moi.

— Votre véritable apparence vous accorde plus de puissance, deviné-je.

— Ce n'est pas ma véritable apparence, répond-il d'un air absent, reportant son regard sur le balcon.

Mais presque. Je me racle la gorge, osant faire un autre pas vers lui.

— Pourquoi vous vouliez me voir ? Pour me montrer ça ?

Différente - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant