Vingt-cinquième Chapitre.

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[Mardi 25 Octobre. Après avoir exposé leur plan au roi d'Erédia, Heaven et ses amis ont rejoint une partie de l'armée et se sont dirigés vers le camp des Bannis, dans le but de l'encercler et négocier pour éviter la guerre.]
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Des souffles, des pas pressés, des murmures. Le silence n'est brisé que par l'angoisse de la bataille, et la tension qui règne est telle que je suffoque un peu plus à mesure que nous approchons du camp. Je suis à la tête du groupe, avec mes amis et le roi.
Je ne regarde rien ni personne, j'avance comme mon corps le dicte, la main serrée sur mon arme scintillante. Je me doute que les gens ont compris qui j'étais. Mais ça n'a même plus d'importance.

Je commence à reconnaître plus précisément le chemin. Nous nous approchons. Je m'éclaircis la voix et ose me pencher vers le roi qui marche à mes côtés.

— On est très proches.

Il me lance un regard d'un sérieux glacial, et hoche la tête. Puis, d'un geste vif de la main, il fait s'arrêter la totalité de son corps d'armée. Nous nous retournons vers le groupe.

— Nous arrivons, annonce le roi. Je veux que vous vous dispersiez de façon à pouvoir encercler le camp. À mon signal, je ne veux plus vous voir. Entendu ?

Tous répondent d'un même hochement de tête silencieux, et je déglutis avec amertume. Ce ne sont plus que des habitants d'Érédia, mais de véritables guerriers, prêts à leur tour à tout pour leurs semblables.

Malgré moi, je sens mon corps se crisper et je serre les poings. Mon cœur bondit dans ma poitrine, j'ai l'impression que ma cage thoracique serre mes organes et m'empêche de respirer. Plus on approche, plus je me rends compte de ma responsabilité dans tout ça. Je suis celle qui guide tout un peuple vers son destin, et celui-ci pourrait basculer à chaque instant.

Peu à peu, je reconnais les alentours maintes fois observés du camp des Bannis. Je retiens ma respiration, accordant un signe de tête au roi. Immédiatement, il fait s'arrêter toute l'armée. Puis, d'un geste vif de la main, il leur ordonne de se disperser. En une seconde, tout le monde s'élance dans la forêt sans bruit, et nous nous retrouvons en comité restreint. Le roi, mes amis et moi, accompagnés de quelques puissants guerriers.

Visiblement, la barrière d'invisibilité n'a pas été remise en place depuis que je l'ai brisée. En quelques heures, j'imagine qu'ils avaient autre chose à faire. Nous arrivons vers l'entrée principale du camp, et j'expire pour relâcher la pression dans ma poitrine. En vain. Ma gorge est aussi nouée que mon estomac.

— C'est ici, déclaré-je lentement.

Elijah n'hésite pas une seconde avant de pénétrer dans l'enceinte du royaume de son frère, et je relève le menton en franchissant à mon tour la limite. D'innombrables frissons parcourent mon dos. Chaque pas qui m'enfonce dans ce camp me ramène à mon emprisonnement, et à ce que j'ai quitté il y a à peine quelques heures. Je voulais le laisser derrière moi et ne plus jamais me retourner. Quelle ironie.

À mesure que nous avançons, je sens l'incompréhension peser un peu plus sur chacun d'entre nous. Les allées de l'entrée sont désertes. Aucun de nous n'ose exprimer son trouble, alors nous ralentissons simplement, jusqu'à nous immobiliser. Tournant autour de moi, je tente d'inspecter les lieux, le cœur battant.

— Tu m'as emmené encercler un territoire inhabité, Heaven ?

La remarque du roi installe un goût amer dans ma bouche. Je ravale ma salive sans le regarder, la main si serrée sur le manche de ma dague que je ne la sens plus.

— Ils savent qu'on est là, affirmé-je.

Et à peine ai-je émis cette idée, elle est confirmée par le bruit assourdissant s'abattant autour de nous. En un quart de seconde, nous nous retrouvons cernés par des Bannis armés et pointant leurs arcs sur nous. Un violent frisson parcourt mon échine, et je me raidis. Ils sont une dizaine, égalant nos effectifs. Je relève le menton pour toiser le Banni qui me fait face, voulant lui montrer que je sais pertinemment qu'il ne fera rien. Ils ne peuvent rien contre moi et le roi. C'est d'ailleurs ce que ce dernier fait comprendre en lâchant un ricanement condescendant.

Différente - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant