Soixante-huitième Chapitre.

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[Nuit du lundi 6 mars. Après une longue tentative de négociation et de déstabilisation, Heaven est parvenue à atteindre le coeur du pouvoir de Kali. Soudain, alors que Heaven et Kali allaient s'affronter, Joyce est apparue, enflammée de son esprit renard.]

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Mon sang se glace soudain, tout mon corps me semblant s'éteindre. Le temps me paraît s'étendre, et je contemple Joyce alors qu'elle déchire l'atmosphère de sa lumière, son katana brandi avec plus de grâce qu'il me m'ait jamais été donnée de voir. Accroupie, je la vois arriver et elle me paraît plus grande que n'importe quel guerrier, plus forte que n'importe qui. Ses cheveux volent autour d'elles comme s'ils étaient suspendus, le renard incandescent autour d'elle aussi fort que le jour où Zac a failli mourir. C'est la rage vengeresse qui s'exprime, le désespoir le plus profond, la fureur née de ce lien impalpable entre tous les Kitsunes.

Je regarde le sol, le cœur battant. Il est en train d'arrêter de vibrer mais il est toujours aussi chaud, toujours aussi vivant. Je m'imagine l'énergie de ses parents dans chaque cellule de la terre, les ondes parcourir toute la ville.

Ils l'ont appelée. Ils n'ont pas tenté d'attaquer ni de se libérer. Ils ont épuisé leur plus pure énergie pour appeler leur fille à l'aide, lui ont donné sa force pour qu'elle se réveille.

Elle n'est pas simplement Joyce. Elle est la Kitsune guidée par ses plus profonds instincts, animée par tous les esprits immortels de son espèce.

Elle ne me regarde pas tout de suite. Elle fixe droit devant elle, les yeux rivés sur l'horizon comme si le dôme n'était rien, comme si elle pouvait tout détruire sur son passage pour sauver ses parents. Lorsque je regarde ses derniers, je vois qu'ils ont levé la tête. Je vois qu'ils brillent. Que je peux deviner la forme vague d'un renard autour de chacun d'eux. L'un appelle l'autre. Plus ils sont proches, plus ils sont forts. Ils ont confié leur dernier espoir à leur fille, et elle a répondu.

Je me relève enfin et j'entends Kali rugir de colère en apercevant Joyce. Elle reprend aussitôt le contrôle de ses racines et elles commencent à sortir du sol, ma lumière faiblissant tout autour. Je serre les poings. Je dois me ressaisir.

Au moment où je tords mes bras pour leur redonner leurs sensations, j'entends l'air siffler et je comprends que Joyce arrive à mon niveau. Je tourne la tête vers elle et elle bondit, le halo orangé autour d'elle s'étendant plusieurs mètres au dessus d'elle, son arme mouvant dans ses mains jusqu'à pointer le sol. Lorsqu'elle retombe sur ses pieds, la lame de son katana fend l'air silencieusement. L'impact lorsqu'il s'enfonce dans la terre est si brutal que je suis renversée en arrière, l'onde de choc bousculant tout sur son passage, la lumière soudainement si forte qu'elle fait tout disparaître pendant un instant. Je me rattrape avant que mon crâne ne heurte la terre, mais suis obligée de me relever violemment pour ne pas frôler le sol de ma main. Il n'est plus simplement brûlant, semblant bouillir sous mes pieds. Il est enflammé. Tout autour de Joyce, les vagues d'énergies ne cessent d'affluer en des halos aussi incandescents que ses yeux, plongeant toute la clairière dans une lumière orangée. Le froid de la nuit disparaît, la lune me paraît s'effacer. Les éclairs de ma magie s'évaporent à leur tour. Il n'y a plus que le feu silencieux qui brûle en Joyce et qui ravage tout sur son passage.

— C'est une technique de Kitsune. Tu essayais de me voler la vedette ?

Un sanglot s'étrangle dans ma gorge lorsque j'entends sa voix. Lorsque je vois le sourire qui s'étend sur son visage. Elle était comme iréelle, comme une vision, une créature inatteignable. Mais c'est bien elle, à présent. C'est Joyce et elle resplendit plus que jamais auparavant.

Ses yeux sont des flammes, son regard un puits de pouvoir indéchiffrable, son visage illuminé de fureur. Elle n'est plus du tout aveugle, et elle ne paraît pas ressentir une seule résistance en elle. Elle est coupée du monde, hors de son corps. Elle ne ressent rien d'autre que la détermination, et rien ne l'arrêtera. Je comprends à cet instant qu'elle libérera ses parents, et que je n'ai plus à m'inquiéter. Mon sourire est irrépressible.

Différente - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant