Soixante-dixième Chapitre.

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[Lundi 6 mars. Après être parvenu à ramener le roi parmi eux, Heaven a constaté que celui-ci avait en effet failli tous les mettre en très grand danger et qu'il commençait à être dépassé par son propre combat.]

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J'ai l'impression de bouger au ralenti alors que tout le château s'anime autour de moi. Les généraux s'isolent en conseil de guerre, les soldats répondent aux questions des civils qui arrivent de tous les côtés, certains avec leurs bébés dans les bras, suppliant la protection royale.

Tous mes amis font comme moi, les cents pas dans le couloir menant aux chambres les plus reculées de l'infirmerie, où les parents de Joyce ont été directement envoyés. Mon cœur bat la chamade et je prie pour voir mon amie le plus vite possible. Il semblerait que ses parents se soient effondrés peu après mon départ, perdant connaissance immédiatement.

Le roi a disparu de nouveau, cloîtré dans son bureau sans avoir adressé un mot à qui que ce soit. Il n'a donné aucun ordre, n'a rien expliqué ni rassuré personne, laissant à Stefen la tâche d'organiser toutes ses troupes. Je serre les dents, chassant tant bien que mal la colère de ma poitrine. Ce n'est pas ce qui importe.

J'entends des pas pressés dans mon dos, et je me fige en me retournant. Jake. En sueur, sortant apparemment à peine de sa nuit de transformation. La pleine lune a disparu depuis longtemps du ciel, laissant place à un soleil bien trop éclatant pour un jour aussi funeste.

Il m'aperçoit et s'arrête un instant avant de s'élancer pour me serrer contre lui. Je ferme les yeux, agrippant son tee-shirt de mes doigts tremblants. Il n'a pas besoin de parler ensuite, le regard que nous échangeons suffit. Je me laisse respirer profondément pour me détendre, tentant de m'ancrer dans la réalité la plus simple de l'instant présent. Mes amis sont là, ils sont tous en vie. On s'en est sortis. Joyce est réveillée.

— Zac est en train d'aider à soigner ses parents, dis-je à Jake.

Et il sait aussi bien que moi tout ce que peut sous-entendre ce fait. Il fronce les sourcils, se détachant pour moi en gardant son bras autour de ma taille pour regarder nos amis alignés dans le couloir. On a tous ignoré les réprimandes des infirmiers qui nous attestaient qu'on ferait mieux d'aller se balader.

Le temps s'écoule et je n'écoute pas les conversations qui s'entament entre nous. Je fixe le sol, puis le plafond, puis le point d'ombre à l'autre bout du couloir. Je m'imagine partir en courant, puis ramper, puis me téléporter. Je joue en boucle dans mon esprit toute ma confrontation avec le roi, puis avec Jorah et Kali, et tout se mélange. Je ne sais plus pourquoi je suis fatiguée, à cause de qui je suis désespérée, contre qui je suis le plus en colère. Et dès que je me pose ces questions, c'est toujours moi qui suis la réponse. Je recommence à me haïr, à m'en vouloir, à me trouver pathétique d'autant ignorer le fait que j'ai besoin de compter sur les autres pour me dire quoi faire autant que je les supplie de se taire. Le cercle vicieux est sans fin, et je n'arrive plus à savoir quand il a commencé. Je me demande s'il n'a pas commencé quand j'ai rencontré Jake et Joyce, et que pour la première fois de ma vie, quelqu'un d'autre détenait les réponses.

Je sursaute quand j'entends une porte s'ouvrir à la volée, bondissant presque pour rejoindre Zac alors qu'il sort d'une des chambres. Je fais de mieux pour ne pas le bombarder de questions, ayant du mal à résister face à l'air grave qui peint son visage. Ses traits, si tristement tendus ces derniers jours, sont maintenant affaissés, et toute la fatigue qu'il retenait semble s'être abattue violemment sur lui. Il sait que le plus dur est à venir. Et il a vu Joyce. Il a vu, dans son regard, ce qui jamais n'avait été là auparavant.

Il s'éclaircit la voix avant de s'adresser à nous :

— Elle ne veut voir que Jake et Heaven.

Différente - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant