Différente - T2

Vingt-et-unième Chapitre.

[Mardi 25 Octobre. Heaven a réussi à s'échapper du camp des Bannis, et a retrouvé Molly, Thaniel et Jake. Ils se sont tout de suite dirigés vers Erédia.]

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Mon cœur bondit si fort dans ma poitrine que j'ai l'impression de l'entendre résonner dans mon corps. Je fais un pas en avant, franchissant l'orée de la forêt, bientôt suivie par mes amis. Ma respiration se coupe quand se dessine devant moi tout ce qui m'a tant manqué, tout ce que j'ai parfois pensé ne jamais retrouver.

— Putain... entends-je derrière moi.

Je me retourne lentement, regardant Jake s'avancer à mes côtés sans quitter Érédia des yeux lui non plus.

— Ouais, soupiré-je.

Thaniel et Molly arrivent à notre niveau à leur tour, et un silence pesant s'abat sur nous. Sans un mot, nous nous mettons à marcher, traversant la clairière jusqu'à l'entrée de la ville. À chaque pas que je fais, j'ai l'impression de me sentir plus lourde, plus angoissée, et l'atmosphère qui règne me pèse sur le cœur avec douleur. Après ces dix jours qui m'ont paru une éternité, je reviens enfin chez moi. Mais la ville semble plus sombre, plus triste, plus vide. Elle respire la destruction, reflète l'horreur de ce qu'il s'y est passé.

Nous pénétrons enfin dans les rues, et mon sang se glace. Un peu partout, de la poussière de fée noire peint les pavés, semblant recouvrir la ville d'un voile noir dévastant.

— Qu'est-ce que... fais-je dans un souffle étranglé.

Mes amis se tournent vers moi, et Jake me répond d'une faible voix.

— C'est un signe de deuil. Pendant un mois, en cas de pertes massives, pour rendre hommage aux défunts, la ville se couvre de noir. J'en avais entendu parler, mais je ne l'avais jamais vu de mes yeux...

Je baisse les yeux en serrant les poings, sentant mon cœur frapper dans ma cage thoracique. Si nous n'agissons pas, les rues ce soir mêleront le noir au sang. Je ne peux pas laisser Érédia souffrir encore plus, je ne peux pas voir ça.

Jake cherche mon regard et je m'accroche fermement au noir profond de ses iris pour ne pas faiblir. Mais alors, mes émotions refont surface, et je me rends compte que nous n'avons jamais discuté de ce qui risque de se révéler à notre retour.

— Jake, je ne t'ai pas parlé d'un truc...

Ma gorge se noue. Les mots ont du mal à sortir, parce que je n'arrive pas à imaginer ce que cela lui fera d'apprendre qu'un de ses meilleurs amis est peut-être mort.

— Zac ? devine-t-il.

J'écarquille les yeux, et tremble de tout mon long. Comment...

— Jorah me l'a dit, explique-t-il d'une voix emplie d'amertume.

Ma vue est instantanément brouillée par les larmes, et je n'arrive plus à lutter pour les empêcher de rouler sur mes joues, brûlant mon visage de tristesse. Les yeux de Jake s'animent, et il pose sur moi un regard si tendre que mes jambes flageolent. Puis, mon petit-ami lève la main et porte ses doigts à mon visage pour venir en essuyer les larmes. Il pose un doux baiser sur mon front, comme pour me signifier de me calmer, et je frissonne, sentant mes épaules s'affaisser d'épuisement. Mon cœur me paraît s'arrêter. Je retrouve à peine ces douces sensations torturant mon ventre dès que je suis à ses côtés, cette impression que nous sommes seuls et que rien ne peut nous atteindre. Mon cœur se remet à battre comme je pensais qu'il ne battrait plus, mon sang bout et ma chair entière s'anime sous des frissons incontrôlables, par notre simple proximité. Je l'avais perdu, j'avais perdu une partie de moi. Je l'ai retrouvé, et c'est comme si je pouvais de nouveau respirer. Il manquait à mon âme. Quelque chose s'y était éteint, sans que je sache quoi, et il lui a redonné son éclat. Dans ses yeux, je me vois revivre.