Différente - T2

Soixante-treizième Chapitre.

[Nuit du mardi 7 mars. Après s'être apaisée en parlant à Molly et Derek là où leurs cendres se sont envolées, Heaven a aperçu le roi dans un temple inconnu mais très précieux. Après une confrontation à la tension palpable, le roi a confié qu'il allait abaisser son dôme, admettant le danger qu'il constitue à présent. C'est avec cette information que Heaven a repris sa préparation physique. Rejointe par sa mère, elles ont pris conscience de leur force commune, du potentiel de leurs pouvoirs réunis. Secrètement, elles ont alors aussi commencé à se préparer.]

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— Pardon ?

— Vous savez que la guerre peut éclater à tout moment, hein ?

— Maintenant, vraiment ?

— T'es super drôle, toi ! Tu as d'autres bonnes idées comme celles-là ?

— Et toi, alors ? Tu veux que je te rappelle que...

— Tais-toi !

— Vous ne comprenez rien.

— Il a raison.

— Comment ça, il a raison ? Vous voulez qu'on fasse quoi de nos mois passés à faire un plan inutile ?

Les exclamations fusent, les papiers sont déchirés et des pions sont renversés sur la massive table étendant Érédia sous nos yeux. Un brouhaha indescriptible emplit la pièce et je suis incapable de bouger face à tous ces généraux qui se déchirent sans se soucier de notre présence. Il n'y a plus de place aux apparences, plus de temps pour la diplomatie. Je me retrouve dos au mur, littéralement, plaquée contre le bois froid qui nous enferme dans une atmosphère bien trop étouffante. Le feu crépite dans la grande cheminée, menaçant d'enflammer toute la pièce en un instant. Je me sens transpirer, et tente de respirer un peu plus calmement en continuant d'observer la scène qui se déroule devant moi. Je pensais pouvoir prendre part au débat, mais impossible de trouver quoi que ce soit à dire quand tout le gouvernement d'un royaume se hurle dessus à l'aube d'une guerre.

Le roi est là, installé dans son massif fauteuil noir, et n'a pas pas prononcé un mot depuis le début du conseil. Il garde les yeux rivés sur le centre de la table, où la vue aérienne de la ville est dessinée avec une précision effrayante.

La nuit est tombée depuis longtemps. Il est bien trop tard pour tenir un conseil de guerre. Mais on ne peut pas aller dormir sans savoir comment on devra réagir si on est de nouveau arrachés à notre nuit par le chaos, pas vrai ?

— Dis quelque chose.

Je m'interromps dans mes pensées lorsque toute la pièce tombe brutalement dans le silence. Je me redresse, attendant à mon tour la prise de parole du roi. Stefen lui a donné un ordre. Il n'y a vraiment plus de place pour les apparences.

Pendant une longue seconde, Elijah ne bouge pas, et le seul son qui brise notre immobilité est le crépitement des flammes. J'observe son visage, sa couronne brillant de la rougeur qui illumine les silhouettes de tous les gens présents.

Lorsqu'il lève enfin les yeux vers son conseiller, tout le monde retient son souffle. Il redresse le menton, et se laisse tomber dans son fauteuil comme sur un trône. Il est le seul assis dans cette pièce, mais encore une fois, il paraît nous surplomber tous. Peu importe les circonstances, peu importe sa réelle assurance, il pourra toujours faire semblant. C'est dans son sang, c'est ce qui définit toute la force de son espèce.

— Je n'ai jamais demandé votre avis sur ma situation, déclare-t-il d'une voix égale. Vous me conseillez, vous m'assistez, vous m'aidez. Si je décide de baisser mon dôme, ce n'est pas parce que j'en ai envie, c'est parce que c'est la meilleure décision pour le royaume que vous servez. J'ai mis mon âme dans cette création. Ne croyez pas que je le fais de gaieté de cœur.