III

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Lord Alexander Sky, 25 janvier 3261, 9h34, Arclif

Violet arrive dans la salle à manger et s'assied à sa place habituelle.

- Bon anniversaire, ma chérie, lui souhaite Rose, suivie par toutes les personnes présentent autour de la table.

Elle relève les yeux de son assiette où l'attendent des œufs et des toasts.

- Merci, dit-elle un peu surprise.

- Tu as reçu du courrier, il vient de l'orphelinat, dis-je en lui donnant la lettre.

Elle dévisage le papier jaunâtre que je lui tends avant de tendre une main tremblante pour s'en saisir. Elle ouvre l'enveloppe et déplier la missive.

- Je reconnais l'écriture de Miss McGee, mais c'est Mr. Brew, le concierge, qui a signé. Elle a dû l'écrire pour lui.

- Veux-tu que je la lise pour toi ? propose Rose.

- Non, merci, je veux le faire par moi-même.

Elle se met alors à déchiffrer les mots inscrits sur le papier :

« Chère Violet,

Et non, je n'ai pas oublié la date de ton anniversaire, bien qu'ici, on ne te l'ait jamais fêté. Tout est bien plus calme depuis que tu es partie, il n'y a plus de bagarre, pas même entre les garçons, je crois qu'ils ont tous peur depuis que tu leur as, à chacun, mis une raclée, je ris encore en revoyant leurs mines déconfites et toi avec ton sourire fier. Je crois que tu leur manques, mine de rien, tout est beaucoup trop calme. Même te gronder semble manquer à notre chère Miss McGee. (J'ai bien cru qu'elle ne voudrait jamais écrire cette phrase, c'est que je dois avoir un peu raison, quand même.) Je m'ennuie maintenant qu'il n'y a plus personne pour m'embêter pendant la sieste avec ses rocambolesques histoires de chevaliers et ses rêves improbables. Sûrement, ces rêves ont-ils plus de chances de se réaliser maintenant, je suis bien content pour toi. Je ne sais pas si tu peux t'en rendre compte, mais Beast n'aboie plus sur personne depuis que tu es partie, la pauvre bête est totalement devenue muette. Tu manques même au chien.

Je te souhaite d'être heureuse dans ton nouveau foyer et un bon anniversaire.

Mr. Brew »

Sa lecture est encore chevrotante et bégayante, mais elle ne trébuche pas trop pour son âge.

- Il est bien gentil, ce Mr. Brew de t'écrire, il faudra lui répondre, dit Rose.

Les yeux de la fillette se relèvent doucement, ils fixent le mur d'en face comme s'il était plein de sens. Dans son regard je peux encore lire ses faiblesses, elle ne les montre pas souvent, elle veut les cacher. Elles ne doivent concerner qu'elle, elle, et peut-être les dieux, et encore, si cela ne pouvait concerner personne... si elle pouvait être sans faiblesse... Elle est comme un livre, dont les ratures et les erreurs s'effacent pour laisser place à son écriture parfaite et élancée, sans hésitation. Je sais qu'un jour il n'y aura plus une seule rature, plus de trace de faiblesse dans ses yeux, mais ce jour-là je saurais tout de même que ses sentiments seront là, cachés.

- Dépêche-toi de terminer ton petit-déjeuner, nous avons une surprise pour toi, dis-je.

Aussitôt, son regard s'illumine, elle se lève, plus vite qu'un éclair, et repousse sa chaise contre la table dans un grincement à faire hurler un chien.

- Ça y est, j'ai terminé !

Presque au garde-à-vous, elle attend mon approbation pour bouger.

- Violet, tu n'as même pas touché à quoi que ce soit, la réprimande Rose.

- Oui, mais je vous jure, je n'ai pas faim, dit-elle en sautant sur place d'impatience.

Je me lève en souriant bêtement.

- Alexander, nous n'avons même pas fini.

- Rose, c'est le premier anniversaire de Violet ici, ça n'arrivera pas deux fois.

Je contourne la table pour aller rejoindre la petite blonde, et suis rejoint par le reste de la tablée.

Nous traversons la maison pour nous rendre au jardin. Violet se précipite dehors et s'arrête net en découvrant le poney alezan tranquillement en train de chercher de l'herbe sous la neige qui recouvre la pelouse.

- Tu voulais apprendre à monter à cheval, n'est-ce pas ?

Elle hoche lentement la tête avant de s'approcher doucement de l'animal pour poser sa petite main sur son encolure.

- Il s'appelle Phénix, vois-tu comme les reflets du soleil enflamment sa robe ? (Elle acquiesce silencieusement.) Le palefrenier, Mr. Jean t'apprendra à monter.

Je m'approche d'elle, la prends par la taille et la soulève pour la placer sur le dos de la monture.

- Allons-y s'exclame-t-elle alors que prends la longe pour la promener un peu dans le parc.

LordsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant