II

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LordAlexander Sky, 17 décembre 3258, 11h56, Château de Greywall

Mon bureau est communiquant avec celui du roi et celui qu'occupe Lord Hartfield, le secrétaire vient souvent pour me donner des papiers à lire et à signer pour les récupérer ensuite dans le silence le plus parfait. La porte s'ouvre, justement, et laisse entrer le secrétaire.

― Lord Sky, dit-il en me saluant d'un mouvement de tête auquel je réponds.

― Lord Hartfield, un nouveau dossier à me transmettre ?

― En effet.

Il s'approche de moi en tendant le bras au-dessus du bureau pour que je saisisse le paquet de feuilles retenues par une ficelle. Il fait cela avec une telle grâce, on dirait presque un danseur.

― Merci.

― Ne me remercier pas pour le travail supplémentaire que je vous apporte.

A peine a-t-il dit cette phrase, qu'il me tourne le dos et a déjà presque fermé la porte. Il faut que je le rappelle avant qu'il ne parte.

― Hartfield ! (Il se retourne soudainement avec un regard vif, presque craintif.) Lady Rose doit arriver cet après-midi, accepteriez-vous de dîner avec nous ce soir ? Je sais qu'elle serait ravie de vous rencontrer.

― Avec plaisir, répond-il en maintenant la porte entrouverte.

― Très bien, alors à 18 heures dans la petite salle à manger.

― Je serai à l'heure.

Il sourit, puis la porte se ferme derrière lui avec une extrême douceur. Maintenant, je peux sentir l'immense solitude qui emplit la pièce.

20h56

Ecouter les histoires de Lady Johnson fait naître chez Rose un sourire immense, son bonheur ricoche sur moi, je suis content de la voir si joyeuse. Elle semble tellement heureuse et épanouie, elle ne peut pas avoir idée des remords qui s'agitent au fond de moi. J'essaye tant bien que mal d'être le plus heureux possible, du moins de le paraître lorsque cela m'est impossible. De quoi devrai-je me plaindre, je vais épouser une femme merveilleuse, aussi parfaite qu'on puisse l'espérer ? Je me dois au moins d'essayer de la mériter.

La conversation s'est orientée vers l'éducation du jeune fils des Johnson, la mère exprime son impatience de voir son enfant débuter les cours de musique, elle nous explique, qu'elle-même, aimait beaucoup les leçons de piano et de chant lorsqu'elle était petite. Cela m'amuserait de l'entendre chanter, peut-être sa voix n'est-elle pas si horrible que je l'imagine.

― Et vous Lord Hartfield, aimez-vous la musique ? demande Rose d'une manière soudaine, je la soupçonne de vouloir éviter de donner des idées à son amie.

Le secrétaire, qui n'a dit mot depuis le début du repas relève la tête, surpris qu'on lui adresse la parole. Il reste silencieux en dévisageant ma fiancée, je trouve qu'il y a quelque chose d'amusant dans l'expression de son désarroi. Je ne dis rien, je préfère attendre patiemment la réponse qu'il finit par nous apporter.

― Bien sûr, je joue du piano depuis tout petit, j'adore cela, je crois d'ailleurs que c'est ce que je préfère par-dessus tout. On peut également dire que je maîtrise quelque peu le violon.

C'est comme si, soudainement, à l'évocation de sa musique, quelque chose s'illuminait en lui ; un grand sourire se dessine sur ses lèvres et une lumière se met à danser dans ses yeux émeraudes.

― Voyez-vous cela, un artiste refoulé ? Il faut absolument que vous nous jouiez un morceau après le repas, insiste alors Lord Johnson.

Je vois que cette idée n'enchante pas le secrétaire, il ressemble à un enfant timide dont les parents bien trop enjoués souhaitent absolument montrer à quel point leur progéniture est talentueuse. Mais il est trop poli pour refuser, et honnêtement, je ne vais pas le défendre, je meurs d'envie de l'entendre jouer.

LordsWhere stories live. Discover now