VII

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Lord Hartfield, 27 août 3260, 17h36, Hartfield House

Allongé sur mon lit, je déplie la lettre que je viens de recevoir. Soudain, on frappe à la porte.

- Entrez ! crie-je en repliant la correspondance pour la glisser dans ma poche.

Miss Shepherd, pousse légèrement la porte pour se mettre à parler timidement.

- Lady Hartfield vient de se réveiller, elle demande à vous voir.

Je me lève et en un clin d'œil je suis en train de courir dans le couloir, j'ouvre la porte et me précipite au chevet d'Anastasie. Elle cherche ma main, je lui la donne, elle est brûlante, je ne sais pas pourquoi cela me surprend, je l'ai déjà prise et elle l'était déjà.

- Merci Gladia*, c'est un miracle.

- Simon... dit-elle déjà essoufflée.

- Je suis là Ana, ça va aller.

Elle serre ma main, je sens son sang battre dans ses veines.

- Quel jour sommes-nous ?

- Le 27 août. Je suis arrivé le plus vite possible. J'ai eu si peur, si tu savais.

- Ça fait si longtemps, tu me manquais. Parle-moi de ce nouveau travail de la vie à la cour, de la reine et du roi.

- Et bien, c'est comme père nous l'avait décrit. Tout le monde est poli, parfaitement habillé, se tient droit toujours prêt pour faire bonne figure, le problème est que l'on ne sait jamais la réalité des choses. Le palais en lui-même est magnifique, des murs parfaitement blancs auxquels sont accrochés des tableaux venus des cieux. Les jardins sont d'immenses labyrinthes de buis et de fleurs dans lesquels on se promène agréablement en écoutant les oiseaux chanter, où l'on se repose à l'ombre sur un banc. J'ai pu approcher la reine plusieurs fois, mais je ne sais pas vraiment quoi te dire à l'exception que les tableaux l'avantagent légèrement, et qu'elle prête parfois des talents à des personnes qui n'en possèdent pas, et ne les voit pas chez ceux qui les possèdent. Le roi... Que les dieux me pardonnent pour ce que je vais dire. C'est un homme horrible, il se fiche totalement de tout sauf de sa gloire, il maltraite sa femme, surexploite les domestiques, j'ai d'ailleurs été surpris qu'il me laisse la permission de venir te voir, je crois que c'est parce qu'il pense à me renvoyer.

- Te renvoyer ?

- Ne t'inquiète pas, je me suis fait assez de contacts pour retrouver un travail où je serai mieux traité et mieux payé. Je sais que tu détesterais vivre dans un lieu tel que celui que je viens de te décrire, mais crois-moi j'y suis très heureux.

- Je suis contente pour toi.

- Merci, c'est grâce à toi que j'ai réussi à obtenir ce travail.

- C'est grâce à Victor.

Je ne sais plus quoi dire, je la regarde, elle a levé les yeux vers le plafond et semble essayer de retenir ses larmes.

- Je suis fatiguée.

Je baisse le regard et caresse sa main.

- Je vais y aller alors.

- Non reste, assieds-toi dans un des fauteuils.

Je souris et repose sa main sur le lit.

- D'accord.

Je me lève et vais m'asseoir dans le fond de la pièce. Je la regarde pendant plusieurs minutes, et lorsque je suis sûr qu'elle est endormie, je ressors la lettre de Lord Alexander.

Cher Simon,

Je crois voir reparaitre le radeau, et je vous en remercie, mais contrairement à vous, je pense que ne jamais nous être rencontrés aurait été bien plus difficile que vous ne le pensez, sans vous ma vie aurait été bien triste.

Nos désirs semblant êtres les mêmes, je pense qu'y répondre ne sera pas tâche difficile. Si notre séparation m'est très difficile, l'idée de savoir qu'elle vous affecte tout-autant me donne l'impression d'être plus proche de vous. Oh, si vous saviez comme moi-aussi j'attends avec la plus grande des impatience nos retrouvailles, quel moment merveilleux cela sera, car vous êtes un homme qu'on aime retrouver et non pas perdre.

L'été sera bientôt terminé, et j'ai donc décidé de vous envoyer de nouvelles compositions afin d'occuper vos journées si peu ensoleillées. J'attends impatiemment le moment où je vous entendrai jouer tous ces morceaux que je vous envoie, et pourrai enfin profiter d'un moment avec vous et votre langage si merveilleux.

Je vous remercie pour le roman, je ne l'avais pas encore lu. La critique disait vrai, il s'agit maintenant d'un de mes romans préférés.

Je vous embrasse

Alexander

Je repose la lettre, et comme la première fois, sors les partitions de l'enveloppe pour les étudier pendant des heures et imaginer pourquoi il a précisément choisi celles-ci. Puis, plus la lune monte dans le ciel, plus mes paupières se font lourdes jusqu'à ce qu'elles se ferment pour de bon.

***

9h08

- Monsieur, désolée de vous réveiller, mais la nuit est passée et le petit déjeuner va être servi.

J'ouvre difficilement les yeux et prends le temps de réaliser où je me trouve.

- Merci miss Shepherd, laissez-moi le temps d'aller me changer, j'essayerai d'être à l'heure.

- Vous essayerez... grommelle-t-elle.

Je me redresse en rangeant la lettre et les partitions.

- Je vous demande pardon ?

- Excusez-moi monsieur.

Elle baisse la tête et quitte la pièce. Je range les papiers, jette un dernier regard sur ma sœur puis sors à mon tour.

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*Gladia : déesse de la vie

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