XIV

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Lord Simon Hartfield, 13 octobre 3260, 13h, Hartfield House

Très cher Simon,

Je remercie les dieux qu'il ne vous soit rien arrivé, j'ai craint le pire durant tant de jours (je m'attends toujours le pire, je dois l'avouer). A contrario, ce à quoi je ne m'attendais pas c'était cette curieuse invitation que vous m'avez envoyée. Je dois dire que le fait que vous ou votre sœur, souhaitât inviter ma famille était la dernière chose que j'aurais pu imaginer. Mais, puisqu'il en est ainsi, il me serait impossible de refuser une telle invitation, j'attends depuis trop longtemps de vous revoir. J'écris donc ces mots heureux de savoir enfin quand, et malheureux de savoir combien je vais devoir attendre. Si vous saviez combien de fois j'ai imaginé nos retrouvailles.

Je conterai les jours, les heures, les minutes et les secondes avant de vous revoir.

Je vous embrasse

Alexander

Je me laisse tomber sur mon lit et ferme les yeux, s'il savait combien de fois moi aussi j'ai imaginé cet instant.

J'écoute ma respiration, inspiration, expiration, inspiration, expiration, inspiration... Les battements de mon cœur sont semblables au martèlement des sabots d'un cheval au galop. J'entends les draps qui se froissent entre mes doigts, alors je dois imaginer le reste, sa présence étourdissante, le son de sa voix qui m'enivre, son odeur d'amande, sa peau, ses lèvres, toutes ces choses que je n'ai pas ressenties depuis que je suis parti.

18h47

Je rentre dans l'atelier d'Anastasie. Elle est assise à son bureau ses doigts noircis de fusain ébauchent de quelques traits la feuille sur laquelle elle est penchée. Je vais m'asseoir dans un vieux fauteuil laisser à l'abandon dans un coins de la pièce.

- Ils ont répondu oui.

- Qui ? demande-t-elle sans relever la tête.

- Les Sky, évidemment.

- Merveilleux.

- Oui. Que dessines-tu ?

Elle redresse la tête, mais ses lèvres restent cousues, ses yeux me supplient de ne pas reposer ma question.

- Ana, tu dois arrêter, tu ne peux pas t'accrocher désespérément à lui comme cela, ça ne fait qu'accentuer la douleur. Dessine autre chose, n'importe quoi, des arbres, des animaux, des portraits, mais plus le sien, ça te fait trop de mal.

- Tu ne comprends pas, c'est le seul moyen pour qu'il soit avec moi... marmonne-t-elle.

- Il n'est plus avec toi, tu dois comprendre, tu dois le laisser partir ! réponds-je en montant le ton.

Elle relève les yeux pour m'assassiner du regard.

- Qu'en sais-tu ?! Pourquoi veux-tu me l'arracher comme cela ?!

- Je ne veux pas te l'arracher, je veux que tu comprennes que cela te fait plus de mal que de bien. Je ne te demande pas de l'oublier, seulement de comprendre que la vie continue.

- Comment pourrait-elle continuer ?! Tu as une idée de ce que ça fait ?! Hein, tu t'imagines perdre ton cher petit Lord Sky ?! J'aimerais qu'il meure pour que tu comprennes !

Je suis cloué au font du fauteuil, ma tête ne réfléchit même plus. Il y a les cris d'Anastasie, ses larmes qui se mélangent au fusain sur sa feuille et qui brouillent le visage de Lord Grey ; puis il y a mon cœur, il a failli s'arrêter. Petit à petit je réalise ce qu'elle a dit, la violence de ses paroles, leur méchanceté, mais aussi la douleur avec laquelle elles ont été prononcées. Les larmes commencent à me monter aux yeux, je me lève.

LordsWhere stories live. Discover now