IV

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Lord Alexander Sky, 2 janvier 3259, 16h56, Château de Greywall

Après le travail, Lord Hartfield et moi sommes sortis dans les jardins afin de prendre un peu de repos après cette longue journée.

― Alors, avez-vous apprécié votre premier nouvel an à la cour, demandé-je.

― Beaucoup, je dois dire que jusqu'à ce que j'arrive ici, je n'avais même pas idée que de telles fêtes puissent exister, et voilà que trois se suivent. A chaque fois que la soirée commence, j'ai du mal à croire qu'autant de beau monde puisse être réuni. Vous savez, jusqu'ici toutes les fêtes auxquelles j'avais assisté n'accueillaient pas plus de dix invités.

― Par quoi avez-vous été le plus impressionné, si je puis me permettre de vous poser la question ?

Il réfléchit quelques instants à sa réponse. Je m'attends à ce qu'il me parle de l'incroyable présentation de plats, parfois même farfelue, ou de la beauté des lieux et de leur décoration.

― Eh bien, j'ai tout d'abord été très surpris de voir un aussi grand orchestre présent pour un bal, mais après tout, nous étions à une réception donnée par Sa Majesté le roi, et puis, après être allé à l'opéra, j'aurais du mal à trouver musique et spectacle plus merveilleux. En réalité, je crois que ce qui m'a le plus impressionné est l'abondance de lumière. Il y avait tant de lustres, de miroirs, d'or et d'objets sur lesquelles la lumière pouvait se refléter, on aurait pu se croire en plein jour. C'était si différent d'Hartfield House, c'est une maison très sombre, vous savez, il n'y a que très peu de fenêtres et les murs sont en pierre grise. Après avoir découvert le palais, je peux vous dire que j'ai l'impression que ma demeure est une grotte.

― Cela serait amusant, dis-je sans être vraiment convaincu de ma remarque.

Ses yeux se perdent quelques instants comme s'il réfléchissait.

― Je crois plutôt que cela serait terrifiant.

J'approuve d'un mouvement de tête.

― Vous avez également beaucoup dansé, remarqué-je pour rapidement changer de sujet.

― Oui, j'adore cela, c'est on ne peut plus exaltant.

― Et que préférez-vous, le fait de danser en lui-même ou celui de passer du temps avec de charmantes partenaires ?

Il rougit et cela me fait sourire, il semble à la fois si bouleversé et inaccessible.

― Je... danser, bien évidemment.

― Bien évidemment. Pardonnez-moi, je n'aurais pas dû être intrusif à ce point, et puis, je sais que vous êtes une personne avec les plus belles intentions possibles, vous ne réfléchissez pas comme cela.

Il ferme les yeux et soupire. Je crois que je ne me suis jamais senti aussi idiot au cours d'une conversation, d'habitude je sais parfaitement bien choisir mes mots et mes paroles ; je devrais réfléchir à deux fois avant de dire quelque chose devant lui, il me fait perdre la raison.

― Nous ferions mieux de parler d'autre chose, si vous le voulez bien, dit-il.

Je hoche la tête et baisse les yeux sur les graviers du chemin.

― Avez-vous appréciez votre seconde sortie à l'opéra ? demandé-je en me disant que la musique était un bon sujet à aborder avec lui.

Il sourit un peu bêtement et baisse la tête pour cacher son expression enfantine.

― Il n'y avait pas la surprise du début, mais c'était tout de même merveilleux. J'ai encore du mal à croire que l'on puisse réunir autant de musiciens et de chanteurs. Et puis, l'opéra arrive si bien à retranscrire les émotions des personnages grâce à la musique, c'est tout bonnement inimaginable.

― Vous qui êtes si doué pour la musique, avez-vous déjà écrit quelque chose ?

Nous levons tous deux les yeux pour contempler une volée d'oiseaux qui passent au-dessus du terrain.

― Eh bien, j'en ai souvent eu envie, j'ai bien quelques idées de morceaux, mais je n'ai jamais osé me lancer, j'ai bien trop peur que cela soit décevant ou même médiocre. Peut-être suis-je doué pour jouer, mais pas pour écrire.

― Comment pouvez-vous le savoir si vous n'avez pas essayé ? Prenez un peu de temps pour écrire quelques mesures, puis faites les moi écouter, je vous promets de ne pas me moquer. Mais honnêtement, je doute que cela puisse être décevant.

Il se pince les lèvres et relève timidement les yeux sur moi.

― Merci, je vais essayer mais je ne vous promets rien. Jurez-moi de me le dire si ce n'est pas bon, je n'ai pas envie de me ridiculiser.

― Je vous le jure.

Je peux seulement lui jurer de lui dire si je trouve cela mauvais, pas si cela est mauvais, honnêtement, je ne pourrais pas trouver que quelque chose qui vienne de lui puisse être mauvais.

― Merci.

― Il n'y a vraiment pas de quoi. Sinon que diriez-vous de retourner à l'opéra dimanche ? Je sais que ce sera un ballet et pas un opéra, mais cela devrait tout de même vous plaire.

― C'est une très bonne idée, vous vous doutez que je n'ai jamais assisté à une telle représentation.

― Je m'en doutais.


LordsWhere stories live. Discover now