II

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Lord Alexander Sky, 26 Juin 3260, 17h22, Château de Greywall

- A qui écrivez-vous Alexander ? demande Rose une fois entrée dans la pièce.

Je me retourne pour lui répondre.

- A Lord Hartfield, sa sœur est malade, il est parti à son chevet. Il m'a demandé de vous transmettre ses salutations.

Elle s'assoit de l'autre côté de la table, face à moi.

- Répondez-lui que je lui retourne les salutations, et que je prie pour le bon rétablissement de sa sœur.

- Je pense que cette attention lui ira droit au cœur, réponds-je en me repenchant sur la lettre. Moi qui ai d'habitude une certaine aisance avec les mots, je suis dépourvu de formule pour exprimer le fond de mes pensées, elles même confuses.

- Ecrivez-lui votre amour, dit alors Rose en me voyant hésiter.

Je relève la tête, choqué.

- Enfin, ma chère, une chose pareille ne peut s'écrire dans une lettre, du moins, pas dans ce genre de lettre.

Elle pose la tasse de thé que l'on vient de lui servir.

- Et bien, écrivez que vous pensez à vos baisers.

- C'est inconvenant.

Elle soupire puis plonge son regard dans le mien.

- Par tous les dieux, ce que vous faites avec lui est censé être inconvenant, alors vous ne devriez pas vous inquiétez d'écrire une chose si simple.

- Par pitié Rose, ne commencez pas à me sermonner.

- Très bien, que vous a-t-il dit avant de partir ?

- Il m'a écrit une lettre.

- Et bien faites-moi la lire, demande-t-elle en tendant gracieusement sa main.

- Voyons, Rose une telle chose ne se demande pas. De toute manière, je ne pense pas être attaché à l'idée que vous la lisiez.

- Y aurait-il écrit des choses inconvenantes qu'une jeune femme bien élevée ne pourrait lire ?

- Rose, rouspété-je.

- Bonté divine, Alexander, je vous ai tous deux vu aussi nus qu'à votre naissance, je ne crois pas qu'une lettre puisse me heurter plus que cela.

- Ne jurez pas.

- Je suis prête à insulter les noms de toutes les divinités pour que vous me donniez cette lettre.

Je levai un sourcil.

- Vous n'oseriez pas.

Elle m'imite et se penche au-dessus de la table.

- Vous croyez ? Plus sérieusement, Alexander, je veux vous aider.

- Voilà... soufflé-je en sortant la lettre ma poche pour la lui donner.

Elle s'empare du papier comme une vorace.

- Merci mon cher mari, dit-elle satisfaite

Je grogne alors qu'elle déplie la lettre pour la lire attentivement.

- Ne me dite pas que j'ai mené si dure bataille pour si maigre résultat ?

- Par piété Rose, je peux tout aussi bien répondre sans votre aide, alors dépêchez-vous de me faire votre rapport.

- Bien, il écrit ici qu'il n'oublie pas votre soirée, ce qui à mon sens sous-entend des choses bien plus inconvenantes que des baisers, à moins que vous n'ayez passé cette fameuse soirée à pêcher au bord d'un lac.

- Votre sens de l'humour est déplorable.

- Je vous remercie. Ensuite, je vois qu'il a gardé votre veste, je pense qu'il a voulu garder un souvenir de vous, cela veut dire que vous lui manquer. Ecrivez simplement que vous pensez à lui.

- Je suivrai ce dernier conseil, merci, dis-je en plongeant ma plume dans l'encre.

- Vous pouvez également ajouter que vous êtes très heureux de la merveilleuse et vertueuse femme que vous avez épousée.

- Après la torture que vous venez de me faire subir, je m'en passerai.

***

Lord Simon Hartfield, 1 Juillet 3260, 15h15, Hartfield House

Je suis donc de retour dans la région la plus hostile de notre beau pays, au chevet de ma sœur si chère à mon cœur.

- Qu'a dit le docteur ? demandé-je à la domestique qui s'occupe de la malade toute la journée.

Elle détourne son regard de mon visage pour observer ma main, tenant celle de la jeune femme endormie.

- Les chances qu'elle s'en sorte sont maigres, sir. Néanmoins, si elle suit le traitement elle survivra peut-être.

- Miss Shepherd, je vous suis très reconnaissant de veiller sur elle avec autant d'attention.

- C'est mon devoir monsieur.

Je hoche la tête puis ferme les yeux.

- Oui, je suppose...

La porte de la chambre s'ouvre laissant rentrer un coursier.

- Mr le baron, une lettre pour vous de Lord Sky.

Mon regard hésite entre ma sœur et la lettre.

- Je prends soin d'elle, dit Miss Shepherd.

Je me lève, prends le courrier, sors et traverse le couloir pour aller à la lumière du jour derrière les fenêtres du salon.

Cher Lord Hartfield,

Toute la cour a été très attristée par votre départ, et le quelque peu qui a appris pour sœur est désolé de la savoir dans ce malheureux état. Vous avez d'ailleurs peut-être déjà reçu une lettre de la reine, si ce n'est pas le cas, ça ne serait tarder.

Ma femme vous salue elle aussi elle ; elle et moi prions pour Lady Hartfield, et espérons des nouvelles de sa santé.

Pour répondre à votre question, nous sommes comblés (si l'on peut dire), mais, à l'évidence, je n'aurais pas pu trouver femme plus compréhensive.

Sachez que je ne vous reproche en aucun cas votre départ, et comprends parfaitement que cette séparation nous permette à tous deux de réfléchir pour le bien de tous. Comprenez tout-de-même que je pense à vous.

Mes sentiments vous accompagnent

Alexander Sky

PS : Ma veste se portera très bien avec vous, ne vous en faites pas.

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